<135>Vous avez vu la pièce que j'ai envoyée à Klinggräff. Leur réponse est qu'ils n'ont point fait contre moi d'alliance offensive avec la Russie. La réponse est impertinente, haute et méprisante, et pour les sûretés que je leur demande, pas un mot; de sorte que l'épée seule peut couper ce nœud gordien.a Je suis innocent de cette guerre, j'ai fait ce que j'ai pu pour l'éviter; mais, quel que soit l'amour de la paix, il ne faut jamais y sacrifier sa sûreté et son honneur. C'est, je crois, de quoi vous conviendrez, vu les sentiments que je vous connais. A présent, il ne faut penser qu'à faire la guerre de façon à faire perdre à nos ennemis l'envie de rompre trop tôt la paix. Je vous embrasse de tout mon cœur. J'ai eu terriblement à faire.
44. DU PRINCE DE PRUSSE.
Berlin, 27 août 1756.
Mon très-cher frère,
La lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire hier m'a mis au fait de la réponse de Vienne et de votre résolution. Je souhaite que votre santé et votre vie soient conservées. Voilà le principal article; votre esprit et la valeur des troupes feront le reste. Je me souviens que Montécuculi dit dans ses Mémoires que tout le mal qu'on prévoit à la guerre n'arrive pas, et que le bien qu'on espère manque de même souvent, en dépit des meilleurs arrangements. Mais l'art consiste à trouver les moyens de redresser les choses par la force d'esprit, qui fait naître les moyens.b Voilà ce qui ne vous a jamais manqué, mon
a Frédéric partit pour l'armée le 28 août. Voyez t. IV, p. 92 et suivantes.
b Voyez les Mémoires de Montécuculi. Nouvelle édition. Amsterdam et Leipzig, 1756, in-8, p. 81, chapitre IV, Des opérations, article I, De la résolution.