<202> qui vit en société doit tâcher de se rendre utile à cette société; principalement un prince comme vous doit penser qu il ne peut renoncer au monde qu'en le quittant tout à fait. Tout ce que je puis vous conseiller, c'est de faire tous les efforts sur vous pour vous distraire et détourner vos yeux d'un objet douloureux qui ne fera qu'aigrir vos peines sans vous soulager. Je sens la force des premières impressions; il n'est point de constance qui n'y succombe; mais, cela fait, il faut pourtant prendre le dessus sur soi-même. Vous avez perdu un frère; mais il vous reste toute une famille qui vous aime, et vous devez vous conserver pour elle. Faites donc, je vous prie, tout ce que vous pourrez imaginer de mieux, non pour vous consoler, mais pour vous étourdir. Je suis véritablement en peine pour vous, et je crains bien que ce chagrin n'altère vos jours, et ne ruine entièrement le peu de santé que vous avez. Je ne vous écris rien d'affaires, parce que mon grimoirea en sera d'ailleurs assez rempli. Mandez-moi, je vous prie, ce que vous savez de ma sœur de Baireuth; il y a longtemps que je n'ai pas de ses nouvelles. Je suis avec une parfaite tendresse, mon cher frère, etc.
38. AU MÊME.
Quartier d'Opotschna, 20 juillet 1758.
Mon cher frère,
Vous voyez que mes lettres changent selon les nouvelles qui me viennent. Ce que je vous mande, mon cher frère, doit être une opé-
a Par ce mot, Frédéric désigne ordinairement dans ses lettres, par exemple dans celle du 1er juillet 1757 à sa sœur Wilhelmine, le chiffre qu'il emploie dans sa correspondance secrète.