85. AU MÊME.
Quartier général de Leubnitz,
25 juillet 1760.
Mon très-cher frère,
Par la lettre du 22 de ce mois que je viens de recevoir de vous, je vois que nos embarras s'augmentent d'un jour à l'autre. Je ne saurais vous écrire rien de positif sur ce que vous aurez à faire; mais je crois que peut-être vous saurez vous avancer jusqu'à Karge, où vous ne serez pas aussi éloigné, et plus à portée de la Silésie. En attendant, ne prenez point cela comme un ordre de ma part, car, encore une fois, je ne saurais rien vous prescrire en ceci, et ne saurais pas même savoir ce qui s'est passé dans vos contrées pendant l'intervalle du temps que ma lettre passe à vous parvenir. Ici je puis envisager mon projet sur Dresde autant que tout à fait manqué. Je n'ai rien à appréhender pour une bataille qu'on me livrera. Vous connaissez Daun, qui n'aime pas de donner des batailles du jour au lendemain; tout au contraire, pour l'y porter, il faut qu'on se serve de bien de l'industrie et des détours. Mon projet principal à présent est de repasser à l'autre rive de l'Elbe, et de voir alors où et comment je pourrai marcher vers la Silésie.a Il est bientôt dit de repasser l'Elbe : mais vous pourrez à peine vous représenter, mon cher frère, à combien de difficultés cela sera sujet; aussi serai-je obligé de me servir de beaucoup de ruses pour y parvenir de bonne manière. Un autre embarras que j'aurai alors, et ce qui me donnera bien des inquiétudes, ce sera par rapport à la Marche de Brandebourg; nonobstant cela, je serai obligé de prendre ma résolution, et comme la Silésie est actuellement la province la plus exposée, le plus pressé pour moi sera de penser à sa défense. Vous aurez la bonté de communiquer cela au
a Voyez t. V, p. 63 et suivantes.