<282> Voilà ce qui obligera Daun de rassembler tout ce qu'il y a de troupes en Saxe; sinon, vous patienterez seulement quatre semaines encore, où je lui donnerai tant à faire par des diversions, qu'il sera bien nécessité de quitter absolument la Silésie pour se replier vers la Moravie. Si Daun retire à soi beaucoup de régiments de la Saxe, rien ne vous empêchera alors de prendre Dresde et de passer outre en Bohême, droit vers Prague. Il serait d'autant mieux si vous pouviez vous rendre maître de cette place; de cette façon, nous nous prêterons les bras l'un l'autre dans nos opérations, et parviendrons à notre but, pour obliger les Autrichiens à accepter la paix de nous.
122. AU MÊME.
Bettlern, 31 mai 1762.
Mon très-cher frère,
J'ai bien reçu la vôtre du 26 de ce mois, et je vois qu'il faut vous faire une idée de la situation générale des choses, et entrer en quelque détail de mon projet, afin que vous en combiniez mieux les parties. J'ai ici quatre-vingt-deux mille hommes contre moi; je n'en ai que soixante-seize mille. Ce ne serait pas ce qui m'embarrasserait; mais une suite de nos malheurs passés a donné aux ennemis la facilité d'occuper tous les postes avantageux. A moins de vouloir hasarder étourdiment sa fortune, il ne faut pas penser à les attaquer. Restent les diversions. Voilà donc sur quoi mon plan se fonde. Werner partira dans quelques jours pour se joindre à vingt-six mille Tartares que le Kan m'envoie, et ce corps doit agir en Hongrie pour faire diversion. Le Kan le suit immédiatement avec cent mille hommes. Vous conviendrez qu'il faut de nécessité que Daun détache au moins trente