6. DE LA REINE-MÈRE.
Monbijou, 27 août 1743.
Monsieur mon très-cher fils,
J'ai reçu hier au soir, mon cher fils, la lettre qu'il vous a plu de m'écrire, et qui m'a fort réjouie. Je vis dans l'espérance de vous voir dans peu, et me flatte, mon cher fils, que votre santé est aussi parfaite que la mienne. Je me promène tous les jours, le temps étant favorable. Je crois que Voltaire se plaira ici, s'il y reste quelque temps. On dit qu'il veut retourner à Paris, ce qui marque qu'il a de la peine à le quitter. Cette conspiration de Russie fait horreur. Le marquis de Botta ne dément pas sa nation, la plupart des Italiens étant fourbes ou scélérats. On voit le bon cœur de l'Impératrice de pleurer dans cette occasion. Nous avons ici un jeune Français nommé de La Tournée. Le sujet que l'on dit pourquoi il a quitté la France est assez particulier. Il en a conté à une demoiselle de la première qualité, qui s'est laissé abuser. Il l'aurait épousée, s'il ne s'était aperçu qu'il avait un rival qui était plus aimé que lui. Il s'est battu plusieurs fois en duel, et attend ici que son affaire soit finie. Voilà la tendre chose qui fournit à la conversation. Je suis avec tendresse et parfait attachement, etc.