101. AU MÊME.
Breslau, 23 décembre 1761.
Mon très-cher frère,
Je viens de recevoir votre lettre du 19 de ce mois, et je suis bien aise que Daun ait la bonté de vous laisser en repos jusqu'à présent. C'est certainement une grande sottise de sa part. Le général Platen pourra s'étendre avec ses côtés du côté de la Thuringe et de la Saale. Il faudra certainement chasser quelques-uns de nos ennemis des endroits d'où ils peuvent rendre la subsistance la plus difficile, pour former nos amas, afin qu'il n'y ait aucun empêchement physique à lamas des subsistances. J'enverrai dans quelques jours Anhalt266-a en Saxe, tant pour arranger ce qui regarde la livraison des recrues, l'augmentation de l'armée, que les livraisons. Il vous rendra compte de toutes mes idées, et j'espère que vous commencerez à croire que je ne me repais ni de sottises, ni de chimères. Les Autrichiens ont fait leur réduction, faute de pouvoir payer le corps de Czernichew; ainsi, en comptant celui-là, leur armée demeure aussi forte qu'elle l'a été. L'épuisement de leurs finances est si grand, que je ne crois pas qu'ils pourront finir la campagne prochaine, pour peu que les affaires nous réussissent. Il en est de même de Colberg. La prise de cette ville me mettrait la corde au cou, si un autre événement266-b ne rendait ce malheur passager et facile à réparer.
Je vous remercie de la part que vous prenez à l'aventure que l'ennemi m'avait préparée. Le danger n'était pas aussi réel qu'il le paraît de loin. Le dessein que l'ennemi avait formé témoignait plus la<267> volonté de nuire que son intelligence militaire. Le traître267-a qui leur avait suppédité ce projet s'est sauvé. Voilà le dénoûment qu'a eu l'aventure. J'espère de vous donner dans quelques jours des nouvelles plus intéressantes.267-b
266-a Henri-Guillaume d'Anhalt, né en 1734, alors major et adjudant. Voyez t. V, p. 115 et 239, et t. VI, p. 166.
266-b Le Roi espérait que les Turcs et les Tartares déclareraient la guerre à l'Autriche.
267-a Le baron de Warkotsch. Voyez t. XIX, p. 306 et 307.
267-b De la main du Roi.