270. AU PRINCE HENRI.

(Berlin) 20 juillet 1776.



Mon très-cher frère,

J'ai eu le plaisir de recevoir ce soir votre lettre, mon très-cher frère, en arrivant ici. Vous n'avez certainement aucun lieu de vous presser pour arriver. L'arc de triomphe qu'on fait ne peut être achevé au plus tôt qu'à cinq heures, demain, de l'après-midi. Ainsi, quand le<440> grand-duc n'arriverait que vers les six heures, nous serions plus sûrs d'avoir tout achevé. Je ne vous écris rien sur les affaires, parce que j'aurai demain la satisfaction de vous embrasser et de pouvoir vous parler sur tout; mais il est certain que la fureur où est l'apostat d'Hippocrate440-a me sert plus que tout au monde. Il y a quelqu'un envers lequel il se déboutonne, et dans le sein duquel il répand ses secrets et son venin contre nous, car, mon cher frère, il ne vous épargne pas plus que moi. Mais il me paraît certain que la cour de Vienne a fait un traité avec la Russie au sujet de la démarcation de la Pologne, et que j'en ai été le sacrifice. Voilà le gros de la chose.

Ne craignez pas qu'il manque du monde sur le passage du grand-duc; ici, de ma chambre, je vois au delà de deux mille personnes, depuis deux heures, qui regardent l'arc de triomphe où quelques charpentiers travaillent. On loue des fenêtres dans la rue Royale vingt écus la pièce. Jugez du reste. Il se rassemble du monde de tous les côtés et de tout pays. Beaucoup viennent pour juger par leurs yeux si c'est réellement le grand-duc qui vient ici. Je m'en vais vous souhaiter le bonsoir, mon cher frère, pour me reposer et rassembler toutes mes forces pour demain,440-b vous assurant de la tendresse infinie et de tous les sentiments avec lesquels je suis, etc.


440-a Van Swieten, dont le père était médecin.

440-b Voyez t. XXIII, p. 431; t. XXIV, p. 320-324; et ci-dessus, p. 50 et 51.