320. AU MÊME.
Camp devant Jaromircz, 22 juillet 1778.
Je suis charmé, mon cher frère, du parti que, selon votre lettre du 19, vous avez pris de suivre le beau dessein que vous avez conçu. L'avantage qui vous en reviendra sera de nettoyer l'Elbe, de prendre Leitmeritz, qui est à dos de Loudon, de prendre sa tête de pont de revers, et par conséquent de l'obliger de décamper pour se mettre à Budin, derrière l'Éger. Vous aurez encore l'avantage de prendre à revers ces troupes qui sont à Gabel, ainsi que vers Reichenberg, ce qui dégage la Lusace des incursions qu'on aurait à craindre par cette voie; après quoi vous pourrez repasser l'Elbe à Leitmeritz, et entreprendre ce que vous jugerez faisable et à propos. De mon côté, je trouve des difficultés presque insurmontables pour l'offensive. J'ai un corps à Kottwitz, près d'Arnau; d'Alton campe à Arnau, et un nommé Lattermann est posté entre Nieder-Langenau et Hermannseiffen. Je n'ai pas encore pu faire assez reconnaître le pays pour vous marquer ce qui sera faisable de ce côté, et ce que nous pourrons entreprendre, ou ce que la prudence nous interdira. Toutefois vous pouvez être assuré que je ne négligerai rien de possible, et qu'il n'y aura que les choses imprudentes que je n'entreprendrai point. Je vous envoie un croquis du camp autrichien. Le poste d'Arnau est fautif, parce qu'il est à un mille et demi de Königinhof; d'ailleurs, vous<496> pourrez par ce dessin vous faire en gros une représentation du camp des Autrichiens et du mien. Ajoutez à cela que toutes leurs flèches sont minées, et je me flatte que vous ne désapprouverez pas ma circonspection. Mais dès que vous aurez pris Leitmeritz, et que vous aurez repassé l'Elbe, il ne me restera d'autre projet que d'attirer par des détachements la guerre en Moravie, où le terrain, moins revêche, me fournira peut-être quelque occasion favorable de donner sur les doigts à cette maudite engeance et de prendre la Bohême en Moravie. Je suis, etc.