144. DE LA MARGRAVE DE BAIREUTH.
Ermitage, 9 avril 1744.
Mon très-cher frère,
L'estafette que vous m'avez dépêchée est arrivée hier au soir ici. Je vois par votre lettre que le général Marwitz vous a informé du mariage que je méditais pour sa fille aînée. Je suis surprise, mon très-cher frère, que vous vouliez me rappeler à présent les volontés du feu roi. Je n'ai point manqué à la parole que je lui avais donnée touchant les Marwitz; elles ne se sont point mariées de son vivant; mais la mort du Roi m'a dégagée de toutes les promesses que je lui avais faites pendant sa vie; ainsi vous ne pouvez rien m'imputer là-dessus.a Vous ne m'avez jamais écrit ni parlé sur ce sujet; par conséquent je ne suis point coupable envers vous, d'autant plus que, après les fortes instances que je vous avais faites de me laisser l'aînée, qui avait renoncé à se marier, vous ne m'avez pas fait seulement l'honneur de me répondre, quoique ce fût l'unique grâce que je vous avais demandée depuis que vous êtes venu à la régence. Je n'ai pas cru, mon très-cher frère, que vous vous intéressiez tant au sort de cette fille, et comme je sais que ma façon de penser est conforme à la vôtre, et que je me suis défaite de beaucoup de préjugés, et surtout de cette opinion qu'une fille de vingt-sept ans, qui est majeure, doive se rendre malheureuse en épousant des gens qu'elle ne connaît pas, pour contenter les caprices de son père, et que d'ailleurs le courrier que j'avais envoyé tardait à venir, je l'ai persuadée de se marier hier au matin, en présence de peu de témoins et dans l'insu de sa tante, qui a ignoré tout ceci, étant déjà malade depuis huit jours. Votre
a La Margrave dit dans ses Mémoires, t. II, p. 4, année 1732 : « Le Roi m'accorda cette faveur (la permission d'emmener mademoiselle de Marwitz à Baireuth), à condition que je lui engageasse ma parole d'honneur de ne point marier cette fille hors de ses États; en quoi je le satisfis. »