<181> des Français, qui donnent un air de galanterie et de certaines grâces aux choses qui, chez d'autres nations, ne seraient que ridicules. Je suis fort fâché de vous savoir au Carlsbad à cause de maladie. Je voudrais que ce ne fût que pour vous divertir. Je ne demande aucune réponse à ma lettre; je souhaite que les eaux vous fassent mille biens, et que Finettea vous fasse souvenir de Berlin. Je viens de finir ma course militaire à Magdebourg; j'en ai encore une à faire à Stettin; après quoi j'inviterai la Reine douairière à Charlottenbourg, où je lui donnerai quelques fêtes, et où l'Astrua remplira son coin. Cette chanteuse est réellement surprenante; elle fait des arpeggios comme les violons, elle chante tout ce que la flûte joue avec une agilité et une vitesse infinie. Jamais la nature, depuis qu'elle se mêle de fabriquer des gosiers, n'en a fait de pareil. Cette femme, avec tous ses talents et sa belle voix, a encore le mérite d'être très-raisonnable, bonne et sage; il est bien rare de trouver tant de perfections ensemble. A présent, on est dans l'ivresse des fêtes à Dresde. Ce sont de doubles noces qui demandent une double dépense; mais je ne troquerais pas ma vie simple et ma solitude de Sans-Souci contre l'ennuyeux tumulte et le frivole clinquant de leurs magnifiques banquets. Ce n'est pas dans la cohue qu'on trouve la bonne compagnie, ni on ne trouve le plaisir quand on court après; ce libertin vient s'offrir lui-même, mais il échappe à qui le poursuit. Ce plaisir est pour ceux qui ont le bonheur de vous approcher, de vous voir et de vous entendre. Pour nous, qui en sommes exclus, il ne nous reste qu'à vous faire souvenir que nous sommes encore au monde, et, en mon particulier, à vous assurer combien je vous estime, je vous aime, et je suis, ma très-chère sœur, etc.
a Mademoiselle de Tettau. Voyez t. XVII, p. 240 et 271; t. XVIII, p. 170.