<213> m'avertissent qu'il faut prendre congé de la folie, des illusions et des plaisirs; mais ils me laissent une carrière libre pour l'amitié. Vous savez, ma très-chère sœur, que rien ne peut approcher de celle que j'ai pour vous, ni de l'estime et de la tendresse avec laquelle je suis, ma très-chère sœur, etc.
Je prends la liberté de vous envoyer des ananas.
215. A LA MÊME.
Potsdam, 15 mars 1749.
Ma très-chère sœur,
Vous avez la malice de me mettre à l'épreuve sur une matière délicate, et dont je ne sais pas comme je me tirerai. Il faut cependant vous satisfaire, ma très-chère sœur; tout ce que je puis faire de mieux est de métaphysiquer la constance. II en est, selon moi, de deux sortes; savoir : celle en amour, et celle de l'estime. La constance de l'estime est fondée sur la connaissance des belles qualités et des vertus d'une personne, et je crois qu'elle doit être inaltérable, autant que nous ne voyons pas que le caractère que nous avons estimé se démente à un point qu'il s'attire le mépris; car cette constance est fondée sur le rapport mutuel de la vertu et de l'estime; tant que celui-là se trouve, elle doit subsister également. Quant à la constance en amour, elle est d'une nature toute différente : l'amour ne vient que par l'impression que la beauté fait sur nos sens; tant que l'objet aimé est le même, ses effets doivent y répondre; mais si la fleur de la beauté se fane, les impressions deviendront différentes, et en ce cas,