<246> trouver un moment seule et de jouir d'une entière tranquillité d'esprit. Je ne sais si c'est un effet de l'âge, si c'est une suite de l'affliction, ou si c'est l'ouvrage de la raison, mais je reviens de jour en jour du goût des plaisirs turbulents, et, si je pouvais suivre mon penchant, je m'adonnerais entièrement à la retraite. Je crois m'apercevoir que vous pensez à peu près de même, ma chère sœur. Le malheur est qu'on se trouve engagé dans une espèce d'esclavage dont on ne saurait se libérer; nous sommes obligés de porter le joug que le destin nous a imposé; notre naissance décide de notre état, et il faut, mal gré bon gré, faire le métier auquel on est condamné. La plupart du monde ambitionne de s'élever; pour moi, je voudrais descendre, si, pour prix de ce sacrifice, qui n'en serait pas, parce qu'il ne me coûterait rien, j'obtenais la liberté. Voilà une lettre qui ne porte guère les empreintes et le style du carnaval; c'est un masque de chauve-souris parmi les dominos couleur de rose. Je vous en demande mille pardons, et je vous proteste que, malgré mon humeur noire, je vous aime et vous chéris avec la plus vive tendresse, étant, ma très-chère sœur, etc.

248. A LA MÊME.

Le 19 décembre 1752.



Ma très-chère sœur,

J'ai reçu avec bien du plaisir votre chère lettre. Il me paraît du moins, par la gaîté qui y règne, que vous êtes de bonne humeur, et que vous vous portez bien; ce sont les articles qui m'intéressent le plus. Je suis trop heureux que vous ayez reçu avec bonté le collier