254. A LA MÊME.
Ce 23 (février 1753).
Ma très-chère sœur,
Je prends la liberté de vous envoyer des concertos pour le Margrave, que vous aurez la bonté de lui remettre, de sorte que j'espère d'avoir réparé la brèche que l'incendie a faite au département de la musique. La sincère amitié que j'ai pour vous m'a fait penser souvent à vos affaires; j'ai donc arrangé dans ma tête la façon dont vous pourriez vous y prendre pour réparer les maux que l'incendie vous a faits. Le premier point est de rebâtir la maison. Comme beaucoup de murailles sont restées, je crois qu'avec quarante ou cinquante mille écus vous pourrez rétablir le bâtiment, et qu'avec soixante mille écus vous pourrez y remettre les meubles. Mais j'ose vous conseiller de faire faire de bons devis avant que de commencer le bâtiment, et d'avoir des inspecteurs honnêtes gens qui président à la direction de cet ouvrage. Quant à ce que vous me mandez, ma chère sœur, de l'emprunt que le Margrave veut faire, j'y consentirai de grand cœur, et je suis persuadé que le margrave d'Ansbach ne s'y opposera pas. Vous avez bien raison de dire que je ne puis pas toucher au trésor. Depuis la mort de mon père, je n'ai jamais employé pour mon usage un sou qui appartînt à l'État;a mais ce qui est à ma disposition sera aussi à la vôtre, et j'attends que vous ayez fait votre plan pour y concourir de ma part. S'il vous faut habiller votre opéra, vous n'avez qu'à dire un mot; j'ai une si grande garde-robe d'histrions, que je puis facilement vous fournir ce qu'il vous faut pour un opéra; vous n'avez qu'à me dire ce qui peut vous convenir, et je serai charmé de pouvoir contribuer en quelque chose à votre agrément. L'amitié, ma chère sœur, est peinte avec des ailes de feu; il faut qu'elle vole et se
a Voyez t. VI, p. 244 et 245, nos 2 et 5.