312. DE LA MARGRAVE DE BAIREUTH.
Le 12 février 1756.
Mon très-cher frère,
Quoique je ne sois encore que convalescente, il me semble que le plaisir que j'ai, mon très-cher frère, de vous écrire soulage mes maux. Je les endurerais avec patience, s'ils ne me privaient de la seule consolation qui me reste dans notre séparation, qui est de vous assurer que vous m'êtes infiniment plus cher que moi-même. L'inquiétude que vous avez témoignée à Stefanino sur mon long silence m'est une preuve bien précieuse de vos bontés. Vous m'avez rendu justice, mon cher frère, puisqu'il n'y a que les infirmités de mon corps qui puissent retenir les mouvements de mon cœur, qui vous est trop acquis pour négliger les moindres occasions de mettre au jour les sentiments qu'il renferme. J'ai été très-mal, ayant eu des coliques continuelles, accompagnées de douleurs dans tous les membres. Je suis encore fort faible, ne pouvant rattraper le sommeil. J'ai eu recours aux sermons; mais ils m'ont ennuyée au lieu de m'endormir.
J'aurais dû commencer ma lettre par des félicitations, mon très-cher frère, sur votre nouvelle royauté; j'ai lu dans les gazettes l'offre qu'on vous a faite du royaume de Corse; j'en ai senti une joie excessive, puisque les barbares mêmes rendent justice à votre mérite. Je souhaiterais que toute l'Italie prît une pareille résolution; nous y verrions renaître le siècle des Césars.
Je dois m'accuser d'avoir commis une grande faute envers vous, mon cher frère; cette faute a attiré sur moi le courroux céleste; la maladie que je viens d'essuyer en est une punition. Étant à Naples, je me rendis un jour à une montagne où il y avait quantité de vieilles ruines; je vis à quelque distance de moi les débris d'un tombeau.