« <IV> triste et les larmes aux yeux. Voyez, cette lettre. On m'annonce que ma sœur de Baireuth est très-mal. Sûrement elle est morte. Hélas! tous les malheurs veulent-ils donc tomber sur moi? » - Il ajoute plus bas : « En effet, peu après, il apprit la nouvelle de la mort de cette princesse. Jamais je ne vis tant d'affliction : volets fermés, un peu de jour éclairant sa chambre, des lectures sérieuses : Bossuet, Oraisons funèbres, Fléchier, Mascaron, un volume d'Young, qu'il me demanda. »a Le Roi revient à tout propos, et longtemps après l'événement, sur la douleur qui l'accablait. Le 4 novembre 1758, il écrit à son beau-frère de Baireuth : « Après cette affreuse perte, la vie m'est plus odieuse que jamais, et il n'y aura pour moi de moment heureux que celui qui me rejoindra à celle qui ne voit plus la lumière. »b Au marquis d'Argens, le 22 décembre suivant : « J'ai perdu tout ce que j'ai aimé et respecté dans le monde. » Au même, le 18 septembre 1760 : « Ma gaieté et ma bonne humeur sont ensevelies avec les personnes chères et respectables auxquelles mon cœur s'était attaché. »c Voici comme il s'exprime sur le même sujet dans son Épître sur la méchanceté des hommes, du 11 novembre 1761 :

Pour moi, qui dans le monde ai de tout éprouvé,
Dans ces divers états mon cœur vide a trouvé
Qu'au milieu de ces maux le seul bien véritable,
Aux grandeurs, à la gloire, aux plaisirs préférable,
Seul bien étroitement à la vertu lié,
C'est de pouvoir en paix jouir de l'amitié.
Ah! je l'ai possédée une fois dans ma vie,
Dans le sein d'une sœur que la mort m'a ravie;
Amitié, don du ciel, seul et souverain bien,
Tu n'es plus qu'un vain nom, son tombeau fut le tien.d

Il dit enfin dans le Stoïcien, du 15 novembre de la même année :

Où sont les compagnons de mon adolescence?
Où sont ces chers parents, auteurs de ma naissance,


a Voyez t. XV, p. II.

b Voyez t. XIII, p. 194.

c Voyez XIX, p. 61 et 217; t. XX, p. 304, no 20; et ci-dessous, p. 334.

d Voyez t. XII, p. 206 et 207.