37. A LA MÊME.

Ruppin, 7 mai 1736.



Ma très-chère sœur,

J'ai eu le plaisir de recevoir, ma très-chère sœur, de vos nouvelles par cet ordinaire, qui m'ont fait beaucoup de plaisir, voyant que vous<43> vous portiez, grâces au ciel, en parfaite santé. Que je suis charmé, ma très-chère sœur, de vous voir occupée à l'Ermitage,1_43-a dont je suis persuadé que vous ferez quelque chose de charmant. Que ne puis-je avoir la satisfaction de vous y rendre mes devoirs!

J'en viens à Wolff, qui n'est point confisqué ici, mais que l'on a tâché à persécuter de nouveau. Sa traduction en français ne s'imprime point; c'est moi qui me le fais traduire,1_43-b et si vous ordonnez d'en avoir une copie, je ne manquerai pas de la faire faire pour quand vous la voudrez. Le philosophe dont vous me parlez, ma très-chère sœur, m'a la mine d'être un grand revendeur de sophismes. La philosophie de Des Cartes a été très-bonne il y a quarante ans; mais à présent que Newton et enfin le célèbre Wolff y ont mis la dernière main, il ne s'agit plus de lui, et sa philosophie est aussi peu perfectionnée que l'est la musique d'Attilio1_43-c envers la composition de Graun.1_43-d Cet homme a du mérite, mais il n'a que celui des découvertes, et les autres celui de perfectionner. Il me serait impossible, ma très-chère sœur, de vous en dire davantage pour cette fois, car nous marchons cette nuit avec le régiment. Je me recommande à la continuation de vos précieuses grâces, étant à jamais, avec un respect et une amitié parfaite, ma très-chère sœur, etc.


1_43-a Voyez les Mémoires de la Margrave, t. II, p. 36, 43. 226, 227 et 202-258.

1_43-b Voyez t. XVI, p. XI, 273 et suivantes.

1_43-c Attilio Ariosti, né à Bologne, devint en 1698 maître de chapelle de l'électeur de Brandebourg, et fit représenter, en 1700, deux de ses opéras à Berlin. Il retourna en Italie en 1705.

1_43-d Voyez t. X, p. 198.