203. A LA MÊME.
Potsdam, 2 mars 1748.
Ma très-chère sœur,
J'ai dit à Podewils d'écrire à la belle-sœur de son neveu que si elle était résolue de quitter Baireuth, on lui payerait les intérêts de sa légitime. Je prévois, ma chère sœur, qu'elle a attaché son départ à cette condition, la croyant impossible, et vous verrez qu'elle formera incessamment de nouvelles prétentions. De plus, les régiments rendent toujours un rapport certain chez les Autrichiens; mais son mari, qui joue, aura tout perdu, et sera bien aise d'avoir une femme sans être chargé de son entretien. Si vous prêtez l'oreille avec trop de bonté à ce que ces gens vous disent, vous ne finirez jamais. Ils ont obtenu un régiment par vos grâces, vous leur avez donné, de plus, un capital qui vous appartenait; c'en est, ce me semble, assez et même trop pour des gens de cette espèce. Quel reproche peut-on vous faire? Si, après tout, le général autrichien mange trois fois plus que son revenu, que madame en fasse de même de son côté, ce n'est assurément pas à vous qu'on doit l'imputer, mais au dérangement de leur conduite. Vous pouvez compter que ce que je vous dis est le jugement que porte le public de cette affaire, et je n'ajoute ni ne retranche pas un mot.
Je suis charmé d'apprendre le retour de votre santé, et plus encore de voir la tranquillité dont vous avez envisagé ce qui paraît si redoutable aux hommes. Puissiez-vous, ma chère sœur, regarder avec la même indifférence une infinité de petits contre-temps qu'il faut essuyer dans la vie et auxquels il est bon de se préparer, et sans laquelle la Parque ne nous file aucuns jours heureux!
C'est trop mêler de morale dans ma lettre, et je me renferme aux<199> assurances de la tendresse parfaite et de la haute estime avec laquelle je suis, ma très-chère sœur, etc.