77. A LA MARGRAVE DE BAIREUTH.
Ce 9 (juillet 1754).
Ma très-chère sœur,
Le major Treskow, qui m'a amené les deux beaux hommes que le Margrave a eu la bonté de m'envoyer, m'a remis quelque chose de bien plus précieux, la lettre que vous avez eu la bonté de m'écrire. Je vous avoue, ma chère sœur, que ce qui m'a le plus affligé à mon départ, c'était de voir l'état de votre santé si chancelant. J'ai tremblé pour vous en partant. Dieu merci, votre lettre et le rapport du major Treskow me rassurent. Je suis ici, à Sans-Souci, à boire tranquillement les eaux, et à profiter du relâche que me donnent mes voisins. J'ai fait chanter l'opéra de notre grand' mère, qui se ressent un peu en musique des contes de grand' mère.1_278-a Il y a beaucoup d'airs dans le goût de la musique française; j'en ferai copier une couple des meilleures ariettes, que je vous restituerai, ma chère sœur. Je prends véritablement part à la perte que vous allez faire de Montperni; quoique tous ceux qui ont l'honneur de vous connaître, surtout de vous servir, devraient vous être attachés à la vie, cependant je connais assez les hommes pour comprendre que la perte d'un homme éprouvé fidèle, et qui avec cela vous était utile, vous doit être sensible. Je crois cependant que vous tirerez parti de Frichapel,1_278-b et je<279> ne désespérerais pas que, quand M. de Folard sera congédié, vous ne pussiez l'avoir. Je suis depuis quelques années dans la malheureuse habitude de perdre des amis. Je sais bien comme on les pleure, mais non pas comme on les remplace. Souffrez que je vous entretienne de sujets plus agréables, et que je vous félicite d'avance sur le jour de naissance qui m'a procuré une si chère sœur et une si bonne amie. Vous devez bien croire que personne ne prend plus que moi part à ce qui vous touche, et qu'on ne saurait être avec un plus tendre attachement et une plus haute estime que, ma très-chère sœur, etc.
1_278-a Voyez ci-dessus, p. 43.
1_278-b Peut-être Frey-Chapelle. Voyez t. XX, p. 41.