330. DE LA MARGRAVE DE BAIREUTH.
Le 15 octobre 1757.
Mon très-cher frère,
La mort et mille tourments ne sauraient égaler l'affreux état où je suis. Il court des bruits qui me font frémir. On dit que vous êtes dangereusement blessé; d'autres, malade. En vain je me suis tourmentée pour avoir de vos nouvelles; je ne puis en apprendre. O mon cher frère! quoi qu'il puisse vous arriver, je ne vous survivrai pas. Si je reste encore dans la cruelle incertitude où je suis, j'y succomberai, et je serai heureuse. J'ai été sur le point de vous envoyer un courrier, mais je n'ai osé le faire. Au nom de Dieu, faites-moi écrire un mot. Je ne sais ce que j'ai écrit; j'ai le cœur déchiré, et je sens<349> qu'à force d'inquiétude et d'alarmes mon esprit s'égare. O mon cher, adorable frère! ayez compassion de moi. Veuille le ciel que je me trompe, et que vous me fassiez gronder; mais la moindre chose qui vous regarde me pénètre le cœur, et alarme trop vivement ma tendresse. Que je périsse mille fois, pourvu que vous viviez, et que vous soyez heureux. Je ne puis en dire davantage; la douleur me suffoque, et je ne puis que vous assurer que votre sort sera le mien, étant, mon cher frère, etc.