17. DE LA MÊME.
Berlin, 27 juin 1758.
Mon très-cher frère,
Il paraît que rien n'intéresse autant que de savoir les dernières circonstances de la vie d'une personne que l'on a tendrement aimée, et de laquelle on pleure amèrement la perte. C'est pourquoi, mon cher frère, j'ai déjà eu l'honneur de vous prévenir dans une de mes lettres sur les détails que vous me demandez. Mais pour vous témoigner mon obéissance, je vous le redirai encore. Vingt-trois heures de souffrances ont mis mon frère au tombeau. Il a conservé toute sa présence d'esprit; il n'a perdu le sentiment qu'environ une demi-heure avant sa mort. Au plus fort de ses angoisses, prêt à suffoquer<452> à chaque instant, il ne fit pas la moindre plainte; son âme était tranquille au milieu de ses douleurs; résigné à la volonté de l'Être suprême, il invoquait ce Dieu qui seul pouvait le secourir. Le ministre, ayant fait la prière, lui fit plusieurs demandes auxquelles, ne pouvant déjà plus parler, il répondit par des signes et par des râlements affreux qui démontraient le contentement intérieur qu'il ressentait des consolations qu'il venait d'entendre. Enfin, ce frère à la place duquel j'aurais souhaité de mourir expira. Séparation cruelle! J'y fus présente, je le vis, et je l'ai perdu pour toujours. Peu avant de retomber malade, il avait ordonné qu'il voulait être ouvert, ce qui s'est fait le lendemain; les médecins1_452-a m'ont donné par écrit les raisons qu'ils supposent être la cause de sa mort. C'est le papier que j'ai l'honneur de vous envoyer. Je compte partir demain pour Schwedt, voir ma sœur, pleurer mes malheurs, et supplier le ciel d'arrêter sa colère. Oui, nous l'invoquons tous pour la conservation de vos jours; vivez, soyez heureux, mon cher frère, ne vous abandonnez pas trop à votre affliction, songez à votre santé, et. soyez persuadé du tendre attachement avec lequel j'ai l'honneur d'être, mon très-cher frère, etc.
1_452-a MM. Meckel et Muzell. Leur rapport sur la maladie du prince Auguste-Guillaume est textuellement reproduit dans le journal allemand Aeskulap, par F.-L. Augustin. Berlin, 1803, in-8, t. I, p. 67-101.