2. A L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.
(Mars 1770.)
Madame ma sœur,
Ni mon peu de capacité ni les douleurs de la goutte n'ont pu m'empêcher de satisfaire aux volontés de Votre Altesse Royale. Vous avez désiré, madame, l'ébauche d'un manuel qu'on pût mettre entre les mains des jeunes gens,3_346-a et j'ai eu l'audace de le crayonner : mais je me suis aperçu, en le faisant, que les trois différents états des hommes, savoir, le noble, le bourgeois et l'agriculteur, en demandaient de différents; c'est ce qui m'a borné à ce qui peut être relatif à la jeune noblesse. En dépouillant cet ouvrage des choses qui lui sont propres, on en formerait facilement un extrait pour la bourgeoisie. A l'égard des agriculteurs, comme leur vie est plus simple, que leurs vices sont moins raffinés, mais plus grossiers, il aurait fallu adopter une méthode différente; mais il serait facile de le composer en suivant les mêmes principes, que j'ai assez détaillés dans cet ouvrage. Cet ouvrage, madame, est le vôtre plutôt que le mien, car j'ose vous assurer que, sans l'encouragement que vous m'avez donné, j'aurais hésité à l'entreprendre. Bon Dieu, que dirait le bon empereur Charles VII, si quelqu'un lui annonçait dans les champs Élysées, dont je le crois habitant, qu'un souverain des Obotrites s'avise d'adresser un catéchisme à son illustre et respectable fille? Je crois, madame, qu'il enverrait l'Obotrite catéchiser les esturgeons et les soles au fond de la mer Baltique. Mais j'obtiendrais mon pardon, si je lui disais : « Sacrée Majesté, vous qui avez daigné être mon ami pendant votre vie, sachez que je n'ai fait qu'obéir à votre fille. » Puissiez-vous, madame, brûler au plus vite mon catéchisme, s'il vous ennuie. Puisse V. A. R.<347> n'avoir jamais la goutte, sous la main cruelle de laquelle je gémis.3_347-a et puissiez-vous vous souvenir dans vos heures de loisir de celui de tous les mortels qui vous estime et vous admire le plus sincèrement! Ce sont les sentiments avec lesquels je suis à jamais, madame ma sœur, etc.
Nous croyons devoir placer ici quelques éclaircissements que nous a fournis M. le comte de Hohenthal, envoyé de Saxe à la cour de Berlin :
1o Le prisonnier dont il a été fait mention dans notre t. XXIV, p. 200 et 201, était le lieutenant Dassdorf, détenu à Spandow depuis dix ans.
2o L'ouvrage de tapisserie dont il a été parlé l. c, p. 202, 204, 205, 206 et 209, était un paravent à quatre feuilles, qui se trouve maintenant dans la chambre à coucher de Frédéric, au Nouveau-Palais, à Potsdam.
3o Le maître de chapelle qui passa par Berlin en 1777 (l. c., p. 334) était M. Naumann.
3_346-a Il s'agit du Dialogue de morale à l'usage de la jeune noblesse. Voyez t. IX, p. VII et VIII, art. IX, et p. 115-130. Voyez aussi t. XXIV, p. 211, 212 et 213.
3_347-a Voyez t. XX, p. 189; t. XXIII, p. 171 et 172; et t. XXIV, p. 531, 532 et 536.