<106>Dès qu'on approche de l'ennemi, on donne un rendez-vous aux troupes, et l'on marche par colonnes, selon que c'est l'usage; et lorsque c'en vient aux moments décisifs de votre expédition, c'est-à-dire que vous allez tomber dans les quartiers de vos ennemis, ou que vous allez marcher à eux pour leur livrer bataille, vous campez en ordre de bataille. Les troupes couchent à la belle étoile. Chaque compagnie se fait un grand feu, et y passe la nuit. Mais comme ces fatigues sont trop violentes, et que le corps humain n'est pas fait pour y résister à la longue, il faut mettre tant de vigueur et d'audace dans ces entreprises, qu'elles ne puissent pas durer longtemps, ne point balancer à la vue du danger, et prendre une résolution vive avec fermeté et la soutenir. J'observe qu'il ne faut jamais entreprendre des campagnes d'hiver dans des pays où il y a beaucoup de places fortes; car, comme la saison n'est pas propre aux siéges, et que les grandes forteresses ne se prennent pas par surprise, on doit être sûr d'avance qu'un pareil projet échouera, à cause qu'il est entièrement contre la possibilité.
Toutes les fois donc qu'on a le choix libre, il faut donner du repos aux troupes pendant l'hiver le plus que l'on peut, et bien employer ce temps à rétablir l'armée, pour prévenir plus tôt l'ennemi en campagne le printemps d'après.
Voilà à peu près les points principaux des grandes manœuvres de guerre, dont j'ai détaillé, autant que je l'ai pu, toutes mes maximes. Je me suis appliqué principalement à rendre les choses claires et intelligibles. Si cependant vousa avez des doutes sur quelques-uns de ces articles, vous me ferez plaisir de me les exposer, pour que je puisse vous déduire mes raisons plus amplement, ou pour me ranger de votre avis, si je suis tombé en défaut. J'ai appris par mon peu d'ex-
a Voyez ci-dessus, p. 3.