<181> bien pris, une colline bien défendue peut soutenir ou renverser un royaume; un seul faux mouvement peut tout perdre. Un général qui entend un ordre de travers, ou qui l'exécute mal, met votre entreprise dans un risque éminent. Il faut surtout bien instruire ceux qui commandent les ailes de l'infanterie, peser mûrement ce qu'il y a de mieux à faire; et autant qu'on est louable d'engager une affaire, si l'on y trouve ses avantages, autant faut-il l'éviter, si le risque que, l'on y court surpasse le bien que l'on en espère. Il y a plus d'un chemin à suivre, qui mènent tous au même but. On doit s'appliquer, ce semble, à détruire l'ennemi en détail; qu'importe de quels moyens on se sert, pourvu que l'on gagne la supériorité?
L'ennemi fait nombre de détachements. Les généraux qui les mènent ne sont ni également prudents, ni ne sont circonspects tous les jours. Il faut se proposer de ruiner ces détachements l'un après l'autre. Il ne faut point traiter ces expéditions en bagatelles, mais y marcher en force, y donner de bons coups de collier, et soutenir ces petits combats aussi sérieusement que s'il s'y agissait d'affaires décisives. L'avantage que vous en retirez, si vous réussissez deux fois à écraser de ces corps séparés, sera de réduire l'ennemi sur la défensive; à force de circonspection, il se tiendra rassemblé, et vous fournira peut-être l'occasion de lui enlever des convois, ou même d'entreprendre avec succès sur sa grande armée.
Il s'offre encore à l'esprit d'autres idées que celles-ci. J'ose à peine les proposer dans les conjonctures présentes, où, accablés par le poids de toute l'Europe, contraints de courir la poste avec des armées, soit pour défendre une frontière, soit pour voler au secours d'une autre province, nous nous trouvons contraints à recevoir la loi de nos ennemis au lieu de la leur donner, et à régler nos opérations sur les leurs.
Comme cependant les situations violentes ne sont pas de durée, et qu'un seul événement peut apporter un changement considérable