<46> prévoir et prévenir pour elle tout le mal qui pourrait lui arriver. C'est après les plus grands avantages qu'il faut être le plus défiant. On croit l'ennemi découragé, et vous tombez en léthargie sur toutes ses entreprises. Souvent un ennemi habile vous amuse par de feintes propositions de paix; ne donnez pas légèrement dans ce piége, et songez que ses intentions ne sauraient être sincères.
Il faut toujours raisonner sur la situation où l'on se trouve, et dire : Quel dessein formerais-je, si j'étais de l'ennemi? Après en avoir imaginé plusieurs, il faut penser aux moyens de les faire échouer, et surtout corriger sur-le-champ ce qu'il y a de défectueux ou dans votre position, ou dans votre campement, ou dans vos dépôts, ou dans vos détachements. Ces corrections doivent être promptes : les heures décident de beaucoup à la guerre, et c'est là que l'on apprend à connaître le prix des moments. Que tout ceci ne vous rende pas timide, car la hardiesse veut être jointe à la circonspection; et comme on ne peut jamais démontrer la sûreté d'une entreprise, il suffit de la bien disposer. L'événement doit se remettre à la fortune. Cela se réduit donc à prévoir et à éviter tout le mal que l'ennemi pourrait nous faire, et à lui donner tant d'appréhensions pour lui-même, que ces inquiétudes et vos entreprises continuelles le réduisent à la défensive.
Si vous voulez gagner l'amitié du soldat, ne le fatiguez ni ne l'exposez sans qu'il voie que cela est nécessaire. Soyez leur père, et non pas leur bourreau. On ménage le soldat dans les siéges par les sapes, et dans les batailles en prenant les ennemis par leur faible, et en expédiant promptement. C'est pourquoi, plus les attaques sont vives, et moins elles coûtent; en abrégeant les batailles, vous ôtez au temps le moyen de vous emporter du monde, et le soldat ainsi conduit prend confiance au général, et s'expose gaîment aux dangers.
Le principal ouvrage du général, c'est le travail du cabinet, faire des projets, combiner des idées, réfléchir sur les avantages, choisir