<49>fortes, on se campe dans un endroit qui menace deux ou trois places en même temps. Si l'ennemi jette des troupes dans toutes ensemble, il s'affaiblit; on profite de ce moment pour lui tomber sur le corps; ou, si l'ennemi se jette d'un côté, vous tournez vers la ville où il n'a point envoyé de secours, et en faites le siége. Si vous voulez vous emparer de quelque passage important ou passer une rivière, vous vous éloignerez de ce passage ou de l'endroit où vous avez dessein de passer, pour attirer l'ennemi de votre côté, et, ayant tout disposé d'avance et ménagé une marche sur lui, vous tournez à l'improviste vers cet endroit, et vous en saisissez.

Si vous avez envie de vous battre, et que l'ennemi semble éviter un engagement, vous débitez que votre armée s'est affaiblie, ou vous faites le timide, comme nous fûmes obligés de jouer ce rôle avant la bataille de Friedeberg.a J'avais fait faire des routes pour marcher sur quatre colonnes à Breslau, à l'approche du prince de Lorraine. Son amour-propre conspira avec moi à le tromper; il descendit dans la plaine, et nous le battîmes. On rétrécit quelquefois son camp pour paraître plus faible, on fait de petits détachements que l'on fait passer pour considérables, pour que l'ennemi, méprisant votre faiblesse, quitte ses avantages. Si j'avais eu intention de prendre Königingrätz et Pardubitz, en 1745, je n'aurais eu qu'à faire deux marches, par le comté de Glatz, vers la Moravie; le prince de Lorraine y serait accouru, parce que cette démonstration lui aurait fait craindre pour ce marquisat, d'où il tirait ses vivres, et la Bohême aurait été abandonnée. Ainsi l'ennemi prend jalousie de ses places que l'on menace d'assiéger, des lieux par lesquels il communique à sa capitale, et des endroits où il a le dépôt de ses vivres.

Lorsqu'on n'a point intention de se battre, on se débite plus fort que l'on n'est, et l'on fait une guerre de contenance. C'est le chef-d'œuvre des Autrichiens, c'est l'école où il faut l'apprendre. Vous


a Voyez t. III, p. 116, 117 et 123.