[Introduction]

Les guerres que j'ai faites m'ont donné lieu à réfléchir profondément sur les principes de ce grand art qui a élevé ou renversé tant d'empires. La discipline romaine3-a ne subsiste plus que chez nous; il faut de même que, en suivant leur exemple, la guerre nous soit une méditation, et la paix un exercice.3-b

J'ai cru qu'il serait utile de vous communiquer mes réflexions,3-c à vous qui devez avoir la première part au commandement après moi, à vous, à qui un demi-mot doit expliquer mes pensées, à vous enfin qui, dans mon absence, devez agir par mes principes.

J'ai fondu dans cet ouvrage les réflexions que j'ai faites et celles que j'ai trouvées dans les écrits des plus grands généraux; j'en ai<4> formé un corps dont j'ai fait l'application à la discipline de nos troupes.

Je n'écris que pour mes officiers, je ne parle que de ce qui est applicable aux Prussiens, et je n'envisage d'ennemis que nos voisins, ce qui est malheureusement un synonyme. J'espère que la lecture de cet ouvrage convaincra plus que tous mes discours et démontrera à mes généraux que la discipline de nos troupes est le fondement de la gloire et de la conservation de l'État, et que, l'envisageant de ce point de vue, ils s'animeront plus que jamais à maintenir l'ordre dans toute sa vigueur, pour qu'on ne puisse pas dire de nous que nous avons laissé émousser entre nos mains les instruments de notre réputation. Il est beau d'avoir acquis de la gloire; mais, bien loin de s'endormir dans une sécurité blâmable, il faut préparer de loin les moyens dont le temps ou l'événement nous mettra en état de nous servir.

Je fonde tous mes raisonnements sur mes Institutions militaires;4-a et comme c'est le catéchisme des officiers, je ne traite dans cet écrit que ce qui tient à la partie du général et à ce que la guerre a de plus grand et de plus sublime.


3-a Végèce, De re militari, liv. I, chap. I. Voyez aussi notre t. VIII, p. 6 et 7.

3-b Voyez t. VI, p. 105.

3-c Après avoir travaillé plusieurs mois à polir son ouvrage, Frédéric l'envoya à son frère le Prince de Prusse, le 19 juin 1748. Voyez, t. XXVI, p. 117-119, ses lettres du 4 mars, du 19 et du 24 juin.

4-a Le Roi veut parler des quatre règlements militaires qu'il publia en allemand, en 1743, savoir : Reglement vor die Königl. Preussische Infanterie; Reglement vor die Königl. Preussischen Cavallerie-Regimenter; Reglement vor die Königlich Preussischen Dragoner-Regimenter; et Règlement vor die Königl. Preussischen Husaren-Regimenter. Voyez t. XXVI, p. 119.