VIII. INSTRUCTION POUR LES GÉNÉRAUX-MAJORS DE CAVALERIE.[Titelblatt]
<186><187>INSTRUCTION POUR LES GÉNÉRAUX-MAJORS DE CAVALERIE.
AU BARON DE LA MOTTE FOUQUE.
Rohnstock, 24 mars 1759.
Mon cher général d'infanterie de Fouqué.
Ayant déjà répondu à vos deux lettres du 22 de ce mois, j'ajoute seulement que, selon les nouvelles que j'ai de la grande armée autrichienne, elle tournera ses opérations vers la Silésie, et que pour cela toute l'armée s'assemblera auprès de Königingrätz. Je vous envoie ci-joint un exemplaire de l'Instruction pour les généraux-majors de cavalerie, que vous devez remettre au général-major de Meier,187-a et la lui bien inculquer. Je suis votre bien affectionné Roi.
INSTRUCTION.
Quoique les généraux-majors de cavalerie soient déjà munis d'une Instruction,187-b je trouve pourtant à propos d'y ajouter quelque chose,<188> afin qu'ils se souviennent mieux de tout ce que je veux qu'ils fassent dans la campagne prochaine. Le devoir des généraux-majors de cavalerie, lorsqu'ils sont de jour, est de prendre soin de faire relever les grand' gardes à la pointe du jour, et de faire en sorte que les patrouilles passent en règle d'une garde avancée à l'autre, qu'on patrouille régulièrement le matin, et que les postes de jour empêchent les goujats d'aller paître les chevaux hors de la chaîne. Ils visiteront de temps en temps leurs postes, et feront en sorte que tout soit bien alerte; mais surtout ils doivent observer dans le camp que. pendant la nuit, tous les ordres donnés aux brigades soient bien exécutés; qu'on ne permette pas aux cavaliers d'aller abreuver les chevaux sans quelque officier; qu'aucun officier n'aille à l'hôpital des malades, à moins qu'il ne sente en effet quelque mal; qu'aucun régiment ne dresse des tentes entre les rues des compagnies, comme fit celui de Kyau auprès de Görlitz; quand j'en trouverai, je ne m'en prendrai point aux officiers commandants des régiments, mais aux généraux-majors des brigades, qui m'en répondront. En fourrageant à portée de l'ennemi, ils auront grande attention à empêcher le pillage; les cavaliers doivent prendre du fourrage, et non pas des oies ou des canards pour les cacher dans leurs trousses; c'est pourquoi chaque officier doit toujours les faire délier en sa présence, et ceux qui auront pillé seront punis rigoureusement. En marchant, ils doivent faire aller les chevaux à grands pas, et non pas lentement, comme188-a c'est la coutume des régiments; il faut serrer escadron contre escadron, régiment contre régiment, brigade contre brigade. S'il y a des défilés à passer, les généraux doivent faire en sorte que les brigades les passent bien vite, que les cavaliers ne se querellent pas, et que tout se fasse le plus tôt possible. Ils ne doivent point souffrir les traîneurs, et aucun soldat ne doit sortir de son rang, ni se laisser attraper dans les villages. Quand ils sont dans les avant-gardes, ils doivent<189> soutenir les hussards. Dans ces occasions, il faut, ainsi que je l'ai souvent dit, prendre de grands intervalles et les soutenir, couvrir leurs flancs, se tenir, en cas de besoin, à trois cents pas derrière eux, et s'avancer avec un, deux ou plusieurs escadrons, en cas qu'une troupe de hussards soit repoussée, pour donner la chasse à l'ennemi; il faut surtout avoir grande attention aux ailes, et les couvrir. Dans une arrière-garde, il faut faire les mêmes manœuvres, sans en venir trop souvent aux mains avec l'ennemi; mais il faut tout faire en se repliant. Dans des occasions semblables, il est nécessaire que, en passant des défilés, cela se fasse avec la plus grande vitesse qu'il est possible, quand même ce serait en trottant; mais il faut d'abord former les rangs de l'autre côté, et tout cela en marchant; cela peut se faire également dans toutes les plaines. Il faut repousser l'ennemi trop entreprenant; cependant les généraux ne doivent pas engager toute la masse; ils doivent toujours tenir quelques escadrons en réserve, quand même ce n'en serait qu'un. Ils ne doivent pas trop s'approcher des bois, parce qu'ils peuvent être occupés par des pandours ou d'autres troupes ennemies; mais s'ils rencontrent de la cavalerie ennemie qui n'est pas soutenue par de l'infanterie, ils en viendront aisément à bout. Chacun doit faire marcher serrés les cavaliers, et empêcher qu'ils courent çà et là; dans la poursuite même, il faut toujours avoir quelque troupe qui les soutienne, et sur laquelle les autres puissent se replier. Quant aux batailles, il y a deux sortes d'affaires à observer, des affaires d'infanterie et des affaires de cavalerie. Les affaires d'infanterie sont les attaques des villages, des montagnes, des postes difficiles; dans ces sortes de batailles, on ne saurait faire agir la cavalerie par aile, mais bien par intervalles. C'est pourquoi la cavalerie est d'ordinaire rangée dans la troisième ligne, et ne peut agir que quand l'infanterie a déjà fait un trou dans telle ou telle partie; alors on peut employer un ou deux régiments de cavalerie. Dans ce cas, le général de brigade doit vite se rendre au lieu où il faut en<190>foncer, et pénétrer en colonne par escadron, pour profiter de la confusion de l'ennemi, ainsi que les régiments gardes du corps, gendarmes et Seydlitz firent auprès de Rossbach, ainsi que fit l'aile du général Seydlitz auprès de Zorndorf, de même que les gendarmes auprès de Hochkirch; et quand même ils laisseraient marcher les cavaliers en désordre dans cette occasion, il n'importe. Ils ont à observer ici qu'en cas que l'ennemi ait. posté de la cavalerie serrée derrière l'infanterie, ils ne doivent pas trop s'éloigner de leur infanterie; car, à mesure que notre infanterie pousse celle de l'ennemi, la poursuit et achève de la mettre en déroute, ils s'exposent, s'ils la poursuivent trop loin. Il y a mille choses à observer, savoir : s'ils trouvent à côté de l'infanterie qui est en déroute une infanterie formée, ils la peuvent attaquer sans hésiter, s'ils peuvent la prendre à dos; ce sont toujours les attaques les plus sûres pour la cavalerie, et elle n'y court aucun risque. Il faut donc que ces choses se fassent avec la plus grande vitesse, afin que l'ennemi n'ait pas le temps de parer ces mouvements. Quand la bataille se livre dans la plaine, et que la cavalerie est postée, chaque général-major doit se tenir à la tête de sa brigade, excepté les lieutenants-généraux, à qui j'ai fait défense de se tenir en avant, parce qu'ils doivent redresser le désordre, et donner ordre que la seconde ligne soutienne les attaques partout où il sera nécessaire. Dans ces attaques, il faut principalement que les ailes soient bien appuyées, que la seconde ligne observe bien la première, que les régiments soient toujours bien serrés, que plus on approche de l'ennemi, plus la carrière soit rapide; de cette manière il n'y aura pas de confusion. Quand l'ennemi sera repoussé, ils doivent prendre garde à couvrir leurs flancs; il faut surtout que la seconde ligne y soit attentive. Au reste, il faut que les généraux prennent soin de conserver les chevaux de leurs brigades, et d'observer un bon ordre parmi les officiers et en toute autre chose. Si quelqu'un fait une faute, il le faut faire arrêter et punir rigoureusement. On<191> ne doit point souffrir d'officier capable d'une lâcheté; et comme les régiments sont cette année en fort bon état, il faut qu'ils fassent tous leurs efforts pour acquérir dans cette campagne une aussi bonne réputation que dans celle de l'année passée.
Breslau, 16 mars 1759.
187-a Voyez t. IV, p. 221.
187-b Frédéric parle de son Instruction für die General-Majors von der Cavallerie, Potsdam, den 14. August 1748, que l'on trouve t. XXX, parmi les ouvrages militaires écrits en allemand.
188-a Le mot comme manque dans l'original.