<129> Ils me dirent bonnement que ces chemins étaient admirables, et qu'ils y passaient à merveille avec leurs voitures, et que beaucoup de rouliers les passaient de même. Peu de jours après, l'armée fit cette marche. Je fus obligé de faire mes dispositions pour la retraite sur ces lieux. Noire arrière-garde fut vivement attaquée; mais, par les précautions que je pris, nous ne perdîmes rien. Ces chemins, militairement parlant, étaient très-mauvais; mais ceux auxquels je m'en informai n'y entendaient rien, et ce qu'ils me dirent était de bonne foi et sans intention de me tromper. Il ne faut donc pas se fier au rapport des ignorants, mais, ayant la carte à la main, les consulter sur chaque forme de terrain, s'en faire des notes, et voir sur cela s'il y a moyen de croquer quelque chose, sur le papier, qui donne une idée plus exacte du chemin que celle que présente la carte.
DES TALENTS QUE DOIT AVOIR UN QUARTIER-MAITRE.
Le défaut par lequel les hommes pèchent le plus, c'est de se contenter d'idées vagues, et de ne point s'appliquer assez pour se former des idées nettes des choses auxquelles ils sont employés. Par exemple, plus on a une connaissance spéciale du terrain où l'on doit agir, mieux on choisit les lieux propres au campement, et l'on arrange la marche des colonnes avec beaucoup plus d'exactitude que si l'on n'a que des idées confuses du terrain sur lequel on doit agir. Pour obvier à cet inconvénient, il faut se procurer les meilleures cartes que l'on puisse avoir des pays où l'on croit que se pourra faire la guerre. Si l'on peut faire des voyages sous d'autres prétextes, pour examiner les montagnes, les bois, les défilés et les passages difficiles, pour les bien observer et s'en imprimer la situation, il faut les entreprendre. Il est nécessaire qu'un gentilhomme qui se dévoue à ce métier ait beaucoup d'activité naturelle, pour que le travail ne lui coûte pas.