<99>rieuses au l'eu; vous pouvez demeurer en toute sécurité dans votre camp, donner à vos troupes le temps de se reconnaître; les soldats se raccoutumeront à la vue de l'ennemi, et dans peu les esprits se remettront dans leur assiette naturelle.
Si votre ennemi est fort de soixante mille hommes, et qu'il ne vous en reste que quarante-cinq mille, vous ne devez pas vous décourager du tout, parce que vous avez cent ressources pour vous revancher de l'affront que vous venez d'essuyer. Quarante-cinq mille hommes bien menés en valent plus que soixante mille sous un général médiocre. S'il ne vous reste que trente mille hommes contre soixante mille, dont nous supposons les forces de votre ennemi, votre cas devient plus embarrassant, et il vous faut sans doute beaucoup plus d'art pour éviter quelque fâcheuse malencontre. Il est impossible qu'avec trente mille hommes vous puissiez rétablir une espèce d'égalité entre les deux armées; si vous détruisiez même un détachement de dix mille hommes à l'ennemi, vous lui demeureriez toujours inférieur d'un nombre trop considérable de troupes pour parvenir à lui donner la loi, à moins que le général qui vous est opposé ne soit le plus inepte et le plus imbécile des hommes. Il ne vous reste donc qu'à prendre des postes inexpugnables partout où il y en a, à vous conserver surtout les issues et les derrières libres, à faire la guerre d'un partisan plutôt que d'un général d'armée, à changer de poste au besoin et à la première mine que l'ennemi fait de vous attaquer, à faire une guerre d'ostentation plutôt qu'une guerre réelle, à vous procurer tous les petits avantages que vous pourrez, pour vous faire respecter et pour modérer la fougue de l'ennemi, enfin à tirer parti de tout ce que votre industrie, votre imagination et les ressources de votre esprit vous fourniront de moyens et d'expédients pour vous soutenir. Les détachements que l'ennemi est en état de faire sont ce qu'il y a de plus fâcheux pour de petits corps; s'ils y opposent un détachement de leur petite armée, il ne pourra pas lui résister, et en même temps