<169> l'armée de Silésie devait agir contre celle du prince de Lorraine, la surprendre, s'il se pouvait, dans ses cantonnements en Lusace, ou la combattre pour la rechasser en Bohême.
Dans ce danger qui mettait toute la ville de Berlin en alarme, le Roi affecta la meilleure contenance possible, pour rassurer le public. Son parti était pris; la déclaration des Russes ne l'inquiétait point, car cette puissance ne pouvait agir que dans six mois, et c'était plus de temps qu'il n'en fallait pour décider du sort des Prussiens et des Saxons : les choses en étaient à cette extrémité, qu'il fallait vaincre ou périr. Le Roi appréhendait l'incrédulité et la lenteur du prince d'Anhalt; il craignait aussi que le corps de Grünne, qui était effectif de sept mille hommes, ne marchât tout droit à Berlin. Pour pourvoir autant qu'il était possible à la sûreté de cette capitale, le général Hacke y était resté avec une garnison de cinq mille hommes; mais comme l'enceinte a deux milles de circonférence et qu'il était impossible de la défendre, M. de Hacke devait aller au-devant de l'ennemi et le combattre, avant qu'il approchât de la ville. Cette précaution était à la vérité insuffisante; mais les moyens ne permettaient pas d'en entreprendre de meilleure. On prit des mesures, en cas de malheur, pour transporter la famille royale, les archives, les bureaux, les conseils suprêmes à Stettin, pour leur servir d'asile au cas que la fortune abandonnât les armes prussiennes. Le Roi écrivit encore une lettre pathétique au roi de France, dans laquelle il lui faisait une vive peinture de sa situation, et lui demandait instamment les secours qu'il lui devait selon les traités. On n'attendait rien de cette lettre, elle n'était que pour la forme.
Il serait bien difficile de deviner par quelle raison le prince d'Anhalt tâcha de dissuader le Roi de prendre le commandement de l'armée de Silésie : il poussa ses représentations jusqu'à l'importunité; enfin le Roi lui dit qu'il avait résolu de se mettre à la tète de ses troupes, et que lorsque le prince d'Anhalt entretiendrait une