<2> temps de respirer et de se préparer à la guerre; d'ailleurs l'animosité était si forte entre la France et l'Autriche, et leurs intérêts si opposés, que la réconciliation entre ces puissances ennemies paraissait encore bien éloignée : il fallait se réserver pour les grandes occasions.
Les mauvais succès des armées françaises avaient fait une assez forte impression sur l'esprit du cardinal de Fleury, pour que sa santé s'en ressentît; une maladie l'emporta au commencement de cette année. Il avait été ancien évêque de Fréjus, précepteur de Louis XV, cardinal de l'Église romaine, et depuis dix-sept ans premier ministre. Il s'était soutenu dans ce poste, où peu de ministres vieillissent, par l'art de captiver la confiance de son maître, et en écartant avec soin de la cour ceux dont le génie pouvait lui donner de l'ombrage. Il adoucit les plaies que la guerre de succession et le système de Law avaient faites à la France. Son économie fut aussi utile au royaume que l'acquisition de la Lorraine lui fut glorieuse. S'il négligea le militaire et la marine, c'est qu'il voulait tout devoir à la négociation, pour laquelle il avait du talent. Son esprit succomba ainsi que son corps sous le poids des années. On dit trop de bien de lui pendant sa vie, on le blâma trop après sa mort. Ce n'était point l'âme altière de Richelieu, ni l'esprit artificieux de Mazarin; c'étaient des lions qui déchiraient des brebis : Fleury était un pasteur sage qui veillait à la conservation de son troupeau. Louis XV voulut élever à la mémoire de ce cardinal un monument; on en fit un dessin qui ne fut jamais exécuté : à peine fut-il mort qu'il fut oublié.
Chauvelin, que le cardinal de Fleury avait fait exiler, crut du fond de son exil pouvoir emporter ce poste vacant; il écrivit à Louis XV, blâmant l'administration de son ennemi, et se vantant beaucoup lui-même. Cette démarche précipitée fit qu'on lui marqua pour son exil un lieu plus éloigné de la cour que Bourges, où il était relégué.
Le roi de France notifia la mort de son ministre aux cours étrangères, à peu près dans le style d'un prince qui annonce son avènement