<6> Guinegate. Ils avaient tort les uns et les autres : seize mille hommes qui évacuent Prague, et se retirent de la Bohême devant seize mille hommes qui les poursuivent, n'ont ni les dangers à courir, ni la longueur des chemins à traverser qu'eurent les troupes de Xénophon pour retourner du fond de la Perse en Grèce; mais aussi ne faut-il pas outrer les choses, et comparer une marche où les Français ne purent être entamés par les ennemis, à une défaite totale. Les dispositions de M. Belle-Isle étaient bonnes; le seul reproche qu'on puisse lui faire, est de n'avoir pas dans sa marche assez ménagé ses troupes.
Dès lors la fortune de la reine de Hongrie prit un air plus riant. Le maréchal Traun défit en Italie M. de Gages, qui passait le Panaro pour l'attaquer. Cette victoire ne satisfit point la cour de Vienne : elle trouva que le maréchal Traun n'en avait pas assez fait; elle voulait des batailles qui eussent de grandes suites. Enfin ce maréchal fut jugé comme Apollon par Midas; et c'était cependant le premier de leurs généraux qui eût triomphé de leurs ennemis. La maison d'Autriche commençait à regagner des provinces perdues, et assurait celles qui étaient menacées. Cela ne l'empêchait pas d'être accablée par le poids de cette guerre; peut-être y aurait-elle succombé, si ces premières lueurs de prospérité n'eussent ranimé la bonne volonté de ses alliés.
Le roi d'Angleterre donna des marques du plus grand zèle pour le soutien de la reine de Hongrie. Les motifs qui le faisaient agir ainsi étaient en grande partie une haine invétérée qu'il portait à la France. Il avait servi dans sa jeunesse contre cette puissance; il s'était trouvé à la bataille d'Oudenarde, où il avait chargé à la tête d'un escadron hanovrien, en donnant des marques d'une valeur distinguée; il ambitionnait de se trouver à la tète des armées pour jouir de la gloire des héros. L'occasion s'en présentait, il avait des troupes en Flandre : en se déclarant pour la Reine, en passant la mer, personne ne pouvait lui disputer le commandement de ses troupes; de plus, il