<91> de bon droit; qu'on regardait le maréchal de Belle-Isle comme officier et point comme ambassadeur, que ce caractère, n'étant point indélébile, n'était valable qu'à la cour où le ministre est accrédité. Il n'y avait proprement que la vengeance du roi d'Angleterre d'intéressée à l'humiliation du maréchal de Belle-Isle : George le regardait comme l'auteur de la guerre d'Allemagne, comme un homme qui l'avait forcé à donner sa voix à l'empereur Charles VII, et qui l'avait contraint, l'année 1741, d'accepter la neutralité, lorsque le maréchal de Maillebois menaçait l'électorat de Hanovre; le maréchal de Belle-Isle était donc regardé comme l'ennemi juré de la maison de Brunswic.
A ces désagréments publics qu'essuyait Louis XV, il s'en joignait de particuliers. La duchesse de Châteauroux, exilée de Metz, mourut de douleur d'avoir essuyé un traitement aussi rigoureux. La convalescence du Roi ranima ses premières passions : l'Amour, que la Religion avait offensé, s'en vengea à son tour en ranimant dans le cœur du Roi la passion la plus vive qu'il eût jamais eue pour sa maîtresse. Dans le temps qu'on négociait son retour, il apprend qu'il l'a perdue pour toujours. Jamais sacrement ne causa tant de remords que celui que Louis XV avait reçu à Metz : il se reprocha la mort d'une personne qu'il avait tendrement aimée; des désirs qu'il ne pouvait plus satisfaire, et des regrets inutiles émurent si violemment la sensibilité, qu'il se retira pour quelque temps du monde, accablé de tristesse. Si la maladie de ce prince fut funeste à ses alliés et à sa maîtresse, elle lui procura au moins la satisfaction la plus douce qu'un souverain puisse avoir, le nom de Louis le Bien-Aimé, désignation préférable au titre de Saint et de Grand, que la flatterie, et rarement la vérité, donne aux rois.
Si le roi de France éprouvait des contre-temps, la Prusse était exposée à des malheurs plus réels depuis la mauvaise campagne de 1744 en Bohême : elle était devenue, d'auxiliaire qu'elle était, partie belligérante, et le théâtre de la guerre, qui avait été en Alsace, s'était