II. RÉPONSE DE M. DE VILLIERS.
De Dresde, le 30 novembre 1745
Monsieur,
Je reçus hier à dix heures du soir l'honneur de la lettre de Votre Excellence du 28 du courant. Celui que Sa Majesté le roi de Prusse me fait, en me choisissant pour l'instrument d'un ouvrage aussi important que celui de couronner ses victoires par une paix équitable, m'animera à y travailler, conformément aux instructions que j'ai depuis quelque temps reçues là-dessus du roi mon maître, avec autant de zèle que d'impartialité. Je commençai dès le soir même du 29 à m'acquitter de ce devoir. Je fis rapport du contenu de la lettre de Votre Excellence à M. le comte de Brühl, qui me promettait, en montrant une disposition agréable aux intérêts des deux cours, d'en faire autant au roi son maître, d'assembler un conseil d'État, et de me donner une réponse aujourd'hui. Son Excellence n'a rien omis; et la résolution de cette cour, sur ce que j'ai eu l'honneur de proposer de la part de Sa Majesté Prussienne, porte en substance :
<211>I. Que le roi de Pologne n'est point éloigné d'accéder à la convention de Hanovre, mais qu'il faut nécessairement en communiquer avec la cour de Vienne, comme la partie principale; ce qu'on va faire incessamment.
II. Que le roi de Pologne s'engage de faire sortir les troupes d'Autriche de son pays, entrées sur des lettres réquisitoriales, aussitôt que Sa Majesté le roi de Prusse, selon sa propre déclaration, fera rétrograder et sortir son armée de tous les États du roi de Pologne.
III. Que le roi de Pologne s'engage de ne plus permettre aucun passage aux troupes d'Autriche dans le but d'attaquer Sa Majesté Prussienne, soit en Silésie, soit dans son électorat.
Je laisse à la pénétration supérieure de Votre Excellence de décider si les engagements du roi de Pologne ne paraissent pas d'une nature à l'empêcher, tel que soit son désir, de rétablir une parfaite harmonie entre les deux cours, à parler plus catégoriquement, et encore moins à accéder à la convention, avant que celle de Vienne, qui devrait être une partie principale contractante, ne l'accepte. Ma sincérité m'oblige à avouer à Votre Excellence que, malgré mon envie extrême de mériter la confiance dont un aussi grand roi que celui que vous servez, monsieur, m'honore, je n'oserais me mêler de cette commission à l'exclusion de la maison d'Autriche. Mais les sentiments de Sa Majesté Prussienne sont trop marqués dans la lettre obligeante et instructive de Votre Excellence, pour n'avoir pas lieu d'espérer que la disposition que la cour de Dresde témoigne dans sa réponse, sera regardée comme un grand acheminement à la paix, si désirée et si nécessaire pour sauver tous les États des bien intentionnés de l'Europe.
Votre Excellence peut être assurée que je ne donnerai point de copie de sa lettre à cette cour. Ce premier témoignage de son opinion<212> en ma faveur m'est trop flatteur, pour que j'en fasse autre usage que celui que vous voulez bien me prescrire; mon étude sera de paraître digne des ordres que Votre Excellence me donne, et de profiter de toutes les occasions pour faire voir la parfaite considération avec laquelle j'ai l'honneur d'être,
Monsieur,
de Votre Excellence
le très-humble et très-obéissant serviteur,
Thomas Villiers.