XIV. RÉPONSE DE SA MAJESTÉ LE ROI DE PRUSSE A M. DE VILLIERS.
De Dresde, le 18 décembre 1745.
Monsieur,
J'ai été fort surpris de recevoir des propositions de paix le jour d'une bataille, et j'ai été convaincu suffisamment du peu de sincérité des ministres saxons par le retour du prince Charles de Lorraine en Saxe. La fortune, qui a secondé ma cause, m'a mis en état de ressentir ces sortes de procédés bien vivement; mais, bien loin de penser de cette façon-là, j'offre encore pour la dernière fois mon amitié au roi de Pologne. Mes succès ne m'aveuglent point; et, quoique j'aurais raison d'être enflé de ma situation, je suis toujours dans les sentiments de préférer la paix à la guerre, et j'attends que M. de Bülow et M. de Rex ayent leurs pleins pouvoirs, pour que le comte de Podewils, qui arrivera ce soir ou demain ici, puisse entrer d'abord en conférence avec eux.
D'ailleurs, je ne puis pas vous cacher ma surprise de ce qu'un ministre anglais puisse me conseiller de me départir d'un traité que j'ai fait avec le roi son maître, et que la Grande-Bretagne a garanti.<240> Vous me verrez plutôt périr, moi et toute mon armée, que de me relâcher sur la moindre minutie de ce traité. Si la reine de Hongrie veut donc enfin faire une fois la paix, je suis prêt de la signer, selon la convention de Hanovre; et si elle le refuse entièrement, je me verrai en droit de hausser mes prétentions contre elle.
Apportez-moi donc les dernières résolutions du roi de Pologne; et que je sache s'il préfère la ruine totale de son pays à sa conservation, les sentiments de la haine à ceux de l'amitié, et, en un mot, s'il aime mieux attiser l'embrasement funeste de cette guerre, que de rétablir la paix avec ses voisins et pacifier l'Allemagne. Je suis, avec toute l'estime possible, etc.
Federic.