<116> qu'elle regardait l'invasion des Prussiens en Saxe comme une violation de la paix de Westphalie, dont elle était garante; et elle crut le prétexte de cette garantie suffisant pour se mêler de cette guerre, et pour y entraîner même les Suédois.
L'abbé de Bernis, qui avait été le promoteur de l'alliance conclue avec la maison d'Autriche, reçut le poste qu'avait eu M. Rouillé, et devint ministre des affaires étrangères. Enfin l'impétuosité française, qui pousse l'esprit de cette nation d'un extrême à l'autre, l'inconséquence des ministres, l'animosité dont le roi de France était rempli contre le roi de Prusse, la nouveauté et la mode, accréditèrent cette alliance des Autrichiens à la cour au point qu'on la considérait comme un chef-d'œuvre de politique. Il n'y avait que les ministres impériaux à la mode; ces ministres usèrent si adroitement de l'influence qu'ils avaient dans le conseil de Louis XV, qu'au lieu de vingt-quatre mille hommes d'auxiliaires que la France était obligée de donner à l'Impératrice-Reine, ils intriguèrent si bien, que le printemps suivant cent mille Français passèrent le Rhin. Bientôt les Suédois furent sommés par le ministère de Versailles de remplir la garantie du traité de Westphalie; le sénat vénal de cette nation était depuis longtemps aux gages de la France. Quoique les constitutions du royaume défendent en termes exprès et positifs de ne point déclarer la guerre sans le consentement des trois ordres qui forment la diète ou les états généraux, les partisans de la France violèrent cette loi fondamentale, et passant par-dessus toutes les formalités usitées en pareils cas, ils adoptèrent aveuglément les mesures que le roi de France leur prescrivait.
Pendant que la cour de Versailles préparait si laborieusement les moyens de bouleverser l'Allemagne, un fol pensa causer une révolution en France; c'était un fanatique obscur qui, ayant servi comme domestique dans un couvent de jésuites en Flandre, se proposa d'assassiner Louis XV. Ce malheureux, nommé Damiens, se rendit à Versailles, et y épiait le moment pour exécuter cet abominable projet.