<139> relativement à leurs intérêts; enfin tout l'Empire aurait abandonné le parti de l'Impératrice-Reine, si une des révolutions ordinaires de la guerre et de la fortune n'eût traversé la prospérité des Prussiens. Nous verrons, dans la continuation de cette guerre, combien de ces vicissitudes arrivèrent, et renversèrent tantôt les espérances des Prussiens, tantôt celles des Impériaux.
Cependant le blocus de Prague continuait; on bombardait la ville; mais les Autrichiens faisaient des sorties fréquentes. Un jour, ils voulurent attaquer les batteries du Strahov. Le prince Ferdinand de Prusse y accourut, et les rechassa jusqu'à leur chemin couvert avec une perte de douze cents hommes. Une autre fois, ils tentèrent une sortie du côté du Wyssehrad, avec si peu de précaution et de prévoyance, que prêtant le flanc à des batteries prussiennes placées vers Podoly, le canon les mit en une telle confusion, qu'ils rentrèrent dans Prague en pleine fuite. Une autre fois, le prince de Lorraine fit avec quatre mille hommes une sortie du Petit-Côté; ces troupes prirent une flèche défendue par cinquante soldats; bientôt M. de Retzowa les repoussa, et les poursuivit jusqu'aux portes de la ville. Les Prussiens eurent dans ce siége les ennemis et les éléments à combattre : un orage violent et des nuages qui crevèrent, gonflèrent subitement les eaux de la Moldau; leur impétuosité brisa le pont de Branik; le courant l'entraîna vers le pont de Prague; les ennemis en enlevèrent vingt-quatre pontons; vingt autres furent assez heureux pour leur échapper, et on les rattrapa à Podoly. Tant de bombes que les Prussiens avaient jetées dans Prague, avaient considérablement endommagé certains quartiers de la ville; le feu avait même consumé une boulangerie des ennemis; les déserteurs déposaient unanimement que les vivres commençaient à manquer, et qu'au lieu de viande de boucherie, la garnison se nourrissait de chair de cheval.
a Wolf-Frédéric de Retzow, général-major, fut nommé lieutenant-général le jour même de la victoire de Leuthen, en récompense de la conduite distinguée qu'il y avait tenue.