<147> prince Maurice, qui conduisait la gauche de l'infanterie, au lieu de l'appuyer derrière ce village que M. de Hülsen venait d'emporter, la forma à mille pas de cette hauteur : cette ligne était en l'air;a le Roi s'en aperçut, et la mena près du pied de cette hauteur; en même temps on entendit un feu assez vif qui se faisait à la droite. Il fallut qu'il se dépêchât, et ne pouvant faire autrement, il remplit les vides qui se trouvaient dans sa ligne, par les bataillons de la seconde; il se rendit de là en hâte vers la droite, pour savoir de quoi il était question; il trouva que M. de Manstein, qui avait engagé sa brigade si mal à propos à la bataille de Prague, venait de retomber dans la même faute. M. de Manstein avait aperçu des pandours dans un village proche du chemin que la colonne tenait; la fantaisie le prend de les en déloger : il entre contre ses ordres dans le village, il en chasse l'ennemi, le poursuit, et se trouve sous le feu de mitraille des batteries autrichiennes; à son tour on l'attaque, et la droite de l'infanterie marche à son secours.
Lorsque le Roi arriva sur les lieux, l'affaire était si sérieusement engagée, qu'il n'y avait plus moyen de retirer les troupes sans être battu; bientôt la gauche entra également en jeu, ce que les généraux auraient pu cependant empêcher. Alors la bataille devint générale, et ce qu'il y avait de fâcheux, c'est que le Roi n'en pouvait être que spectateur, n'ayant pas un bataillon de reste dont il pût disposer. Le maréchal Daun profita en grand général des fautes des Prussiens : il fit filer derrière son front sa réserve, qui vint à son tour attaquer M. de Hülsen, jusqu'alors victorieux; il se soutint néanmoins, et si l'on avait pu lui fournir quatre bataillons frais, la bataille était gagnée; il repoussa encore cette réserve autrichienne; les dragons de Nor-
a Voyez, au sujet du reproche adressé au prince Maurice, (de Retzow) Charakteristik der wichtigsten Ereignisse des siebenjährigen Krieges. Berlin, 1802, t. I, p. 122-134.
Maurice prince d'Anhalt-Dessau, né le 31 octobre 1712, était depuis 1741 chef du régiment d'infanterie no 22, et fut promu au grade de feld-maréchal sur le champ de bataille de Leuthen. Il mourut le 11 avril 1760. Voir t. III, p. 186.