<19> les deux cours, moyennant lesquels la Flandre et le Brabant pourraient demeurer en propriété à Sa Majesté Très-Chrétien ne, pourvu qu'elle voulût obliger le roi de Prusse à restituer la Silésie à l'Impératrice-Reine. L'appât était séduisant, et capable de tenter la cour de Versailles, si Louis XV, excédé de la guerre qu'il venait de terminer, n'eût craint d'en recommencer une nouvelle pour exécuter ce projet; de sorte que M. de Saint-Séverin déclina ces offres, tout avantageuses qu'elles étaient.
Le comte Kaunitz ne s'en tint pas là; cet homme si frivole dans ses goûts et si profond dans les affaires, fut envoyé comme ambassadeur à Paris. Il y travailla avec une assiduité et une adresse infinie pour faire revenir les Français de cette haine irréconciliable qui, depuis François Ier et Charles-Quint, subsiste entre les maisons de Bourbon et d'Habsbourg : il répétait souvent aux ministres que l'agrandissement des Prussiens était leur ouvrage; qu'ils en avaient été payés d'ingratitude, et qu'ils ne tireraient aucun parti d'un allié qui n'agissait que pour ses propres intérêts. D'autres fois il leur disait, comme si la force de la conviction lui arrachait ces paroles : « Il est temps, messieurs, que vous sortiez de la tutelle où les rois de Prusse et de Sardaigne et nombre de petits princes vous tiennent : leur politique ne tend qu'à semer la zizanie entre les grandes puissances, ce qui leur procure des moyens d'agrandissement; et nous ne faisons la guerre que pour eux. Il n'y a qu'à nous entendre, et à nous prêter mutuellement à des arrangements qui, en ôtant tout sujet de dispute entre les premières puissances de l'Europe, serviront de base à une paix solide et permanente. » Ces idées parurent du commencement bizarres à une nation qui avait pris l'habitude, par une longue suite de guerres, de regarder la maison impériale comme son ennemie perpétuelle. Cependant le ministère français se sentit flatté de l'idée de ces grandes puissances qui donneraient des lois à l'Europe, et de cette