<197>chassent, en ouvrant la campagne suivante, un corps considérable vers la Vistule, qui mettrait M. de Lehwaldt au risque d'être coupé de la Poméranie. On avait tout lieu de croire qu'étant entouré par des ennemis aussi nombreux, il aurait le même sort que le duc de Cumberland, avec la différence que les Russes, moins polis que les Français, l'auraient contraint de mettre les armes bas.

D'une autre part, les Suédois n'avaient fait des progrès en Poméranie que parce qu'ils n'avaient rencontré aucune résistance; ils étaient en possession d'Anclam, de Demmin, et du fort de Peenemünde, qu'ils avaient pris après un siége de quinze jours. La garnison de Stettin consistait en dix bataillons de milice, que les états de la Poméranie avaient levés. M. de Manteuffel,a à la tête de quatre bataillons, n'était pas en état de former de grandes entreprises. En laissant la distribution des armées telle qu'elle était alors, le Roi courait les plus grands hasards pour celle de Prusse, et risquait en même temps de voir la Poméranie envahie par les Suédois. Ces raisons le déterminèrent à concentrer davantage ses forces pour procéder avec plus de sûreté, et d'abandonner les extrémités de ses États, que le nombre de ses ennemis ne lui permettait plus de défendre. Ces motifs firent rappeler de Tilsit M. de Lehwaldt avec son armée; il marcha d'abord en Poméranie contre les Suédois, qu'il délogea promptement d'Anclam et de Demmin; il les poussa bientôt sous le canon de Stralsund, où ces troupes ne se croyant pas en sûreté, se réfugièrent dans l'île de Rügen. Une grande gelée qui survint ensuite, fit prendre tout le trajet, ou pour mieux dire, ce bras de mer qui sépare la Poméranie de cette île. Le maréchal de Lehwaldt aurait pu profiter de l'occasion, si son grand âge ne l'en eût empêché, pour passer avec son armée sur la glace à Rügen, où il aurait détruit toutes ces troupes


a Henri de Manteuffel, né en Poméranie en 1696, a déjà été nommé t. II, p. 168. Il devint général-major en 1756, et en 1758, lieutenant-général.