<257> qu'il fallait laver la tache que ses troupes avaient reçue à Zorndorf, en mettant, le printemps prochain, une armée plus nombreuse en campagne. Son favori Schuwaloff ne cessait de lui répéter que, pour changer en terreur le mépris où les Russes étaient chez les Prussiens, il fallait ordonner aux généraux qui commanderaient ces troupes, d'agir avec la plus grande vigueur, et de suivre en tout les impulsions qu'ils recevraient des puissances alliées. Toutes ces insinuations menaient au but qu'avait la cour de Vienne, de charger ses alliés du hasard de la guerre, et de se réserver pour en retirer seule l'avantage. Les ministres de Vienne et de Versailles jugèrent que, pour resserrer plus indissolublement leur alliance avec l'impératrice de Russie, il fallait lui garantir le royaume de Prusse, comme une conquête désormais incorporée dans sa vaste monarchie. Cette proposition fut favorablement reçue par l'Impératrice, et le traité fut conclu et signé en conséquence.
Le roi de Pologne était mêlé dans toutes ces intrigues, non seulement pour aigrir la cour de Pétersbourg contre celle de Berlin, mais voulant encore tirer de l'amitié de l'impératrice Élisabeth des avantages pour sa famille, il la sollicita de procurer par son assistance le duché de Courlande pour son troisième fils, le prince Charles. L'Impératrice, qui favorisait les Saxons, consentit à cet établissement, après quoi Auguste II donna à son fils l'investiture de ce duché. Le nouveau duc alla à Pétersbourg, pour remercier l'Impératrice de cette faveur. Ce prince inquiet et ardent se mêla de toutes les intrigues de la cour; des procédés grossiers, des manières fières et dédaigneuses le brouillèrent avec le grand-duc et son épouse; il s'attira leur inimitié, et cette haine le perdit dans la suite.
Tandis que l'impératrice de Russie donnait des duchés et s'appropriait des royaumes, elle n'était pas elle-même sans appréhension : elle craignait que les Anglais, alliés des Prussiens, et mécontents des pro-