<38> ni à sa parole, ni à son honneur en s'unissant avec le roi d'Angleterre, surtout dans la vue de maintenir en paix par ces nouveaux arrangements et ses États et toute l'Allemagne. Mais les Français n'entendirent pas raison : il ne s'agissait à Versailles que de la défection du roi de Prusse, qui abandonnait perfidement ses anciens alliés; et la cour se répandit en reproches qui firent juger qu'elle ne bornerait pas son ressentiment à de simples paroles.
Nous avons vu dans le chapitre précédent par combien de ruses et de souplesse la cour de Vienne tâchait de se rapprocher de celle de Versailles, et avec combien d'application le comte Kaunitz avait profité de son séjour à Paris, pour familiariser l'esprit de la nation française avec l'idée de l'alliance autrichienne. Un moment d'humeur où se trouvait Louis XV, et la mode qui s'introduisait dans le conseil de Versailles de déclamer contre le roi de Prusse, firent tout d'un coup germer cette semence : la vivacité extrême de la nation française lui fit envisager l'alliance avec la maison d'Autriche comme un raffinement supérieur de politique. Sur cela, le comte de Starhemberg fut chargé par l'Impératrice-Reine de proposer l'alliance entre les deux cours. On fut bientôt d'accord, parce qu'on voulait la même chose des deux côtés; et cette alliance fut signée au nom du Roi Très-Chrétien par M. Rouillé et l'abbé de Bernisa le 1er de mai 1756. Ce fameux traité de Versailles, annoncé avec tant d'ostentation, nommé l'Union des grandes puissances, était de sa nature défensif, et contenait en substance la promesse d'un secours de vingt-quatre mille hommes, au cas qu'une des puissances contractantes fût attaquée; ce fut cependant cette alliance qui encouragea l'Impératrice-Reine à l'exécution du grand projet qu'elle méditait de longtemps.
a C'est le même abbé de Bernis, auteur des Poésies diverses, publiées à Paris en 1744, in-8, dont le Roi dit dans l'Epître à Gotter :
« Et je laisse à Bernis sa stérile abondance. »