XXII. EXTRAIT D'UNE DÉPÊCHE DU COMTE DE BRÜHL AU SIEUR FUNCK, DU 1er DÉCEMBRE 1754. TRADUIT.
Je ne saurais vous cacher un avis qui m'est parvenu, touchant un nouveau dessein du roi de Prusse pour faciliter ses vues d'agrandissement. On sait que ce prince travaille depuis longtemps à entraîner les deux cours de Suède et de Danemark dans ses intérêts. La tentative qu'il en a faite en Danemark, à l'occasion de la prolongation du traité de subsides entre cette cour et celle de France, ne lui ayant pas réussi, il pense à d'autres moyens de gagner la cour de Copenhague.
La naissance du jeune grand-duc de Russie doit lui avoir paru une occasion favorable pour parvenir à ce but. Car, comme il s'imagine qu'après cet événement, qui affermit la succession dans le duché de Holstein, la négociation touchant l'échange de ce duché contre la comté d'Oldenbourg deviendra plus difficile, et que la cour de Danemark sera fort fâchée de renoncer à un arrondissement si désiré, on prétend qu'il a fait proposer un autre plan à la cour de Danemark pour réussir dans ses vues. On n'a pas encore pu approfondir en quoi consiste ce plan, de quelle façon il a promis de le seconder, s'il vise même à des moyens violents, et ce qu'il se veut stipuler en retour; cependant mes avis font conjecturer que dans ce projet on n'aura pas oublié le prétexte de la religion grecque, que le grand-duc a embrassée et qui n'est pas une des religions tolérées dans l'Empire, et qu'on se flatte d'y mêler par ce moyen l'Empire et les garants de la paix de Westphalie.