<93> qu'en s'emparant de la Saxe, où il valait mieux établir le théâtre de la guerre qu'aux environs de Berlin. Il fut donc résolu qu'on porterait la guerre en Saxe, qu'on s'assurerait de l'Elbe, et qu'on tâcherait, pour peu que l'occasion s'en présentât favorable, de désarmer les troupes saxonnes.

Au mouvement que quelques régiments firent pour se rendre en Poméranie,a les troupes saxonnes prirent position entre l'Elbe et la Mulde; elles entrèrent peu après dans leurs quartiers ordinaires, et bientôt elles se rassemblèrent de nouveau en cantonnements. Toutes ces marches et contre-marches ne donnèrent point le change : le Roi savait positivement que le dessein de la cour était d'assembler l'armée au camp de Pirna, où les Saxons, occupant une position inattaquable, croyaient pouvoir attendre en sûreté les secours que les Autrichiens leur avaient fait espérer, et d'où ils se flattaient d'amuser les Prussiens par de frivoles négociations; de sorte que, sans réfléchir aux différentes marches de ces troupes, on s'en tint au projet de se porter incessamment avec l'armée au débouché de la Bohème.

Le Roi divisa son armée en trois corps : la marche de ces trois colonnes se dirigea sur Pirna, qui fut le centre de leur réunion commune. La première partit de Magdebourg aux ordres du prince Ferdinand de Brunswic; elle prit le chemin de Leipzig et passa par Borna, Chemnitz, Freyberg et Dippoldiswalda, pour se rendre à Cotta. La seconde colonne, où se trouvait le Roi, marcha sur Pretzsch, tandis que le prince Maurice de Dessau se rendit maître de Wittenberg; après quoi ce détachement, réuni au reste du corps, passa l'Elbe à Torgau, d'où le Roi se porta par Strehlen et Lommatzsch à Wilsdruf. Ce fut là qu'on apprit avec certitude que toutes les troupes saxonnes s'étaient rendues à Pirna, que le Roi y était en personne, qu'il n'y avait point de garnison à Dresde, mais que la Reine y était demeurée.


a Les éditeurs de 1788 avaient substitué de la Poméranie dans l'Électoral, ce qui était plus exact.