EXTRAIT DU TRAITÉ D'ALLIANCE CONCLU A VERSAILLES, LE 30 DÉCEMBRE 1758, ENTRE L'IMPÉRATRICE-REINE ET LE ROI DE FRANCE.
Ce traité paraît avoir été conclu en opposition de la convention de subsides qui avait été signée, le 11 d'avril de la même année, entre les cours de Prusse et d'Angleterre. Il en est fait mention dans le préambule, et il y est dit en autant de termes : « Que comme on ne pouvait espérer de rétablir la tranquillité de l'Allemagne que par l'affaiblissement de la puissance pernicieuse du roi de Prusse, le Roi Très-Chrétien et l'Impératrice-Reine avaient jugé à propos de resserrer les nœuds de leur union par un traité confirmatif du traité de Versailles du 1erde mai 1756, et de convenir des moyens les plus propres pour forcer l'agresseur de donner satisfaction aux lésés et sûreté pour l'avenir, et pour établir solidement le repos de l'Allemagne, en réduisant le roi de Prusse dans des bornes qui ne lui permissent plus de troubler, au gré de son ambition et de celle de l'Angleterre, la tranquillité générale et celle de ses voisins. » On passe ensuite au traité même, qui contient les articles suivants :
Article Ier.
Les deux parties confirment le traité de Versailles du 1er mai 1756, et le prennent pour base de la présente convention.
Article II.
Le roi de France promet de fournir à l'Impératrice-Reine, pendant tout le cours de la présente guerre, un secours de dix-huit mille<261> hommes d'infanterie et de six mille hommes de cavalerie, soit en troupes, soit en argent, au choix de l'Impératrice-Reine.
Article III.
Ce secours en argent est évalué à trois millions quatre cent cinquante-six mille florins par an.
Article IV.
Le roi de France se charge seul du subside à payer à la Suède.
Article V.
Il promet de soudoyer le corps des troupes saxonnes, et de le renvoyer à la disposition de l'Impératrice-Reine, dès qu'elle le demandera.
Article VI.
Les deux parties s'engagent de procurer au roi de Pologne, électeur de Saxe, non seulement la restitution de ses États, mais aussi un dédommagement proportionné.
Article VII.
Le roi de France promet d'employer cent mille hommes en Allemagne, pour couvrir les Pays-Bas autrichiens et les États de l'Empire.
Article VIII.
La sûreté des côtes de Flandre ayant exigé que les places d'Ostende et de Nieuport fussent mises à l'abri de toute insulte, et le Roi Très-Chrétien ayant voulu se charger de la défense de ces deux places, elles demeureront confiées à la garde de ses troupes pendant tout le temps que durera la présente guerre entre la France et l'Angleterre; mais cet arrangement, uniquement relatif à la sûreté desdites places, ne doit porter aucun préjudice au droit de souveraineté de l'Impératrice-Reine.
Article IX.
Le roi de France promet cependant de restituer les places de Nieuport et d'Ostende, même avant sa paix avec l'Angleterre, si l'on en convenait ultérieurement.
<262>Article X.
Les pays conquis sur le roi de Prusse seront gouvernés et administrés au nom et par les commissaires de l'Impératrice-Reine; mais les revenus publics appartiendront au Roi Très-Chrétien, à l'exception de quarante mille florins prélevables pour les frais de l'administration.
Article XI.
Les deux parties s'engagent à terminer à l'amiable les discussions particulières qu'elles pourraient avoir.
Article XII.
Le Roi Très-Chrétien promet de faire tous ses efforts pendant la guerre, et d'employer aux conférences pour la paix ses bons offices les plus efficaces, pour qu'au traité à conclure entre l'Impératrice-Reine et le roi de Prusse, le duché de Silésie et le comté de Glatz soient cédés et assurés à la maison d'Autriche, et il se charge d'avance de la garantie de tout ce qui sera stipulé à cet égard entre l'Impératrice-Reine et le roi de Prusse.
Article XIII.
Les deux parties s'engagent à ne faire ni paix ni trêve avec leurs ennemis communs, que d'un parfait concert. Le roi de France promet de ne faire ni paix ni trêve avec le roi d'Angleterre, sans convenir avec lui qu'il fera tous ses efforts pour engager le roi de Prusse à accorder à Sa Majesté Impériale des conditions justes et honorables, ou du moins sans obliger le roi d'Angleterre à promettre qu'il ne donnera plus de secours au roi de Prusse; et l'Impératrice-Reine s'engage à ne faire ni paix ni trêve avec le roi de Prusse, qu'aux mêmes conditions.
Article XIV.
Pour rassurer les États protestants, on confirme le traité de Westphalie, et on s'accorde d'inviter la couronne de Suède d'accéder au présent traité.
<263>Article XV.
L'Impératrice-Reine renonce à son droit de réversion des duchés de Parme, de Plaisance et de Guastalle, en faveur des descendants mâles de l'infant Don Philippe.
Article XVI.
Les deux parties s'engagent d'agir de concert avec le duc de Parme auprès du roi des Deux-Siciles, pour fixer l'ordre de succession dans le royaume des Deux-Siciles.
Article XVII.
En retour de la renonciation énoncée dans l'article quinzième, le Roi Très-Chrétien promet d'employer ses bons offices pour déterminer le roi de Naples à céder à l'Empereur ses prétentions sur les biens allodiaux des maisons de Médicis et de Farnèse.
Article XVIII.
L'infant duc de Parme renonce à ses prétentions sur les biens allodiaux des maisons de Médicis et de Farnèse, aussi bien que sur les villes de Bozzolo et de Sabionetta.
Article XIX.
Le Roi Très-Chrétien promet de concourir par ses bons offices pour que l'archiduc Joseph soit élu roi des Romains, d'une manière conforme aux constitutions de l'Empire.
Article XX.
Les deux parties conviennent de ne prendre aucunes mesures par rapport à la future élection d'un roi de Pologne, que d'un concert commun; et leur but n'étant que de maintenir la liberté de la nation polonaise, elles déclarent dès à présent que si le choix libre de la République venait à tomber sur un prince de la maison de Saxe, elles l'appuieront de leur mieux.
Article XXI.
L'Impératrice-Reine étant convenue avec le duc de Modène du<264> mariage de l'archiduc Léopold avec la princesse de Modène, et voulant demander à l'Empereur et à l'Empire l'expectative à la succession féodale de Modène en faveur de l'archiduc Léopold, à condition que les États de Modène ne soient jamais unis à la masse des États de la maison d'Autriche, le roi de France promet d'y concourir par ses bons offices.
Article XXII.
On invitera d'accéder à ce traité l'Empereur, l'impératrice de Russie, et les rois de Suède et de Pologne.
Les deux derniers articles, ainsi que les trois articles séparés, ne roulent que sur de simples formalités.