<100> ordonna que sa seconde ligne fît volte-face, et qu'il fit mener la plupart du canon de sa première ligne à la seconde. Quelque précaution que le Roi prit pour couvrir la marche de ses troupes, elle n'empêcha pas que l'ennemi, qui avait quatre cents bouches à feu en batterie, ne lui tuât beaucoup de monde : huit cents soldats furent tués, et trente pièces d'artillerie, abîmées avec leurs chevaux, leur train et leurs artilleurs, avant que les colonnes arrivassent à l'endroit où on voulait les déployer.
Le Roi forma son infanterie sur trois lignes, dont chacune, de dix bataillons, faisait une attaque. S'il avait eu sa cavalerie, il aurait jeté une couple de régiments de dragons dans un fond qu'il y avait à la droite de son infanterie, pour couvrir son flanc. Mais le prince de Holstein, dont rien ne dérangeait le flegme, n'arriva qu'une heure après que l'action fut engagée. De la manière dont la disposition des attaques était réglée, elles devaient se faire en même temps : il en devait résulter que le Roi ou M. de Zieten percerait le centre de l'ennemi à Süptitz. Mais M. de Zieten, au lieu d'attaquer, s'amusa longtemps avec un corps de pandours qu'il trouva sur son chemin dans la forêt de Torgau; ensuite il se canonna beaucoup avec le corps de M. de Lacy, qui était, comme nous l'avons dit, posté derrière les étangs de Torgau; bref, la disposition ne fut point exécutée; le Roi attaqua seul, sans être secondé de M. de Zieten, et sans que sa cavalerie s'y trouvât. Tout cela ne l'empêcha point de poursuivre son dessein. La première ligne du Roi sortit du ravin, et marcha à l'ennemi en bonne contenance; mais le feu prodigieux de l'artillerie impériale et ce terrain en glacis lui donnaient trop d'avantage; la plupart des généraux prussiens, des commandeurs des bataillons, et des soldats, furent tués ou blessés. La ligne plia, et revint avec quelque confusion. Les carabiniers autrichiens en profitèrent; ils la poursuivirent, et ne lâchèrent prise qu'après avoir reçu quelques décharges de la seconde ligne; celle-ci s'ébranla aussitôt, et après un combat plus