<35> ils aigrirent l'esprit du Roi dans les mauvaises dispositions où il était déjà pour M. de Choiseul, en lui dépeignant ce ministre comme un prodigue, qui avait dissipé mal à propos et en folles dépenses les revenus du royaume, et qui, pour se rendre nécessaire, avait si bien embrouillé les affaires de la France et de l'Angleterre, que les querelles qui en naîtraient, entraîneraient nécessairement la France dans une guerre pour le moins aussi ruineuse que la précédente. Ce dernier argument fut celui qui fit la plus forte impression. Louis XV disgracia tout de suite son ministre, et avec lui tombèrent tous les vastes projets qu'il avait formés.
Le roi de France négocia lui-même avec l'Angleterre et l'Espagne, pour pacifier leurs différends. L'île de Falkland fut restituée aux Anglais; mais le roi d'Espagne, ayant le cœur ulcéré de ce que la France n'avait pas, dans cette occasion, soutenu ses intérêts, en conserva un ressentiment secret. Aucune cour ne regretta plus la perte de M. de Choiseul que celle de Vienne : elle avait placé toute sa confiance dans ce ministre, dont l'attachement lui était connu; M. d'Aiguillon, auquel le Roi avait donné le département des affaires étrangères, était réputé pour n'avoir point le même attachement pour la maison impériale. Le chancelier fut également trompé, et vit échouer ses projets et ses espérances. Il faut donc dater de la disgrâce du duc de Choiseul les changements qui, depuis, arrivèrent en France; tant la chaîne des événements est liée, et tant il est difficile de prévoir les suites importantes que souvent des bagatelles amènent.
Mais tout ce qui se passait alors dans cette partie de l'Europe, nous intéresse moins que ce qui se traitait en Orient et vers le septentrion. Les propositions que la Porte avait faites aux cours de Berlin et deVienne, furent communiquées à celle de Pétersbourg. Sa Majesté fit en même temps insinuer en Russie que si l'Impératrice refusait la médiation de l'Autriche et des Prussiens, il serait à craindre