<58> frontières pour donner le cœur aux paysans norwégiens, et pour leur faire à tous embrasser son parti. Sans examiner si c'était la nation qui s'expliquait par la bouche de ces députés, ou s'ils n'étaient que les organes de quelques mécontents obscurs, le Roi partit brusquement, sous prétexte de faire ce qu'on appelle en Suède l'ériksgata : il fit la tournée de ses provinces méridionales en Scanie et vers les frontières de la Norwége; de là il envoya un mémoire à la cour de Danemark, conçu en termes menaçants, par lequel il demandait raison des armements extraordinaires que cette cour faisait en Norwége. En même temps, il préparait tout, de son côté, pour entreprendre la guerre : des troupes suédoises, munies d'artillerie, s'approchaient des frontières de la Norwége; ses émissaires en foule rôdaient dans ce royaume, pour exciter le peuple à la sédition; il essaya des tentatives infructueuses pour brûler le chantier de Copenhague. Enfin tout se préparait à une rupture entre ces deux royaumes, et peut-être s'en serait-elle ensuivie, si la cour de Berlin, par les représentations les plus fortes, n'avait engagé ces deux puissances à s'éclaircir mutuellement sur leurs soupçons, et à se réconcilier; sur ces représentations, le roi de Suède s'en retourna dans sa capitale, et les Danois se rassurèrent.
Si le changement du gouvernement en Suède avait déplu à l'impératrice de Russie, ces mouvements que le Roi faisait sur les frontières de la Norwége, la choquèrent encore davantage : elle craignait qu'un jeune prince aussi remuant, aussi inquiet et aussi étourdi que l'était le roi de Suède, n'entreprît avec la même légèreté de l'attaquer sur les frontières de l'Esthonie et de la Finlande. Ces deux provinces étaient alors dégarnies de troupes : les armées russes étaient dans la Bessarabie, dans la Crimée, et plus de cinquante mille hommes inondaient la Pologne. L'Impératrice jugea que dans ces circonstances, en faisant des conquêtes en Orient, et en subjuguant les Sarmates, elle ne devait pas négliger d'assurer ses anciennes possessions. Elle