<106> créèrent quantité d'expressions pittoresques, et qui apprirent à leurs successeurs à s'exprimer avec grâce, politesse et décence.
Je passe d'Athènes à Rome; j'y trouve une république qui lutte longtemps contre ses voisins, qui combat pour la gloire et pour l'empire. Tout était, dans ce gouvernement, nerf et force, et ce ne fut qu'après qu'elle l'eut emporté sur Carthage sa rivale, qu'elle prit du goût pour les sciences. Le grand Africain, l'ami de Lélius et de Polybe, fut le premier Romain qui protégea les lettres. Ensuite vinrent les Gracques; après eux, Antoine et Crassus, deux orateurs célèbres de leur temps. Enfin la langue, le style et l'éloquence romaine ne parvinrent à leur perfection que du temps de Cicéron, d'Hortensius, et des beaux génies qui honorèrent le siècle d'Auguste.
Ce court recensement me peint la marche des choses. Je suis convaincu qu'un auteur ne saurait bien écrire, si la langue qu'il parle n'est ni formée ni polie; et je vois qu'en tout pays on commence par le nécessaire, pour y joindre ensuite ce qui nous procure des agréments. La république romaine se forme; elle se bat pour acquérir des terres, elle les cultive; et dès qu'après les guerres puniques elle a pris une forme stable, le goût des arts s'introduit, l'éloquence et la langue latine se perfectionnent. Mais je ne néglige pas d'observer que, depuis le premier Africain jusqu'au consulat de Cicéron, il se trouve une période de cent soixante années.
Je conclus de là qu'en toute chose les progrès sont lents, et qu'il faut que le noyau qu'on plante en terre, prenne racine, s'élève, étende ses branches, et se fortifie, avant de produire des fleurs et des fruits. J'examine ensuite l'Allemagne selon ces règles, pour apprécier avec justice la situation où nous sommes; je purge mon esprit de tout préjugé; c'est la vérité seule qui doit m'éclairer. Je trouve une langue à demi barbare, qui se divise en autant de dialectes différents que l'Allemagne contient de provinces. Chaque cercle se persuade que son patois est le meilleur. Il n'existe point encore de recueil