<108> faire mention dans la suite. Quant aux belles-lettres, convenons de notre indigence. Tout ce que je puis vous accorder sans me rendre le vil flatteur de mes compatriotes, c'est que nous avons eu, dans le petit genre des fables, un Gellert, qui a su se placer à côté de Phèdre et d'Ésope; les poésies de Canitz sont supportables, non de la part de la diction, mais plus en ce qu'il imite faiblement Horace.a Je n'omettrai pas les idylles de Gessner, qui trouvent quelques partisans; toutefois permettez-moi de leur préférer les ouvrages de Catulle, de Tibulle et de Properce. Si je repasse les historiens, je ne trouve que l'histoire d'Allemagne du professeur Mascou que je puisse citer comme la moins défectueuse. Voulez-vous que je vous parle de bonne foi du mérite de nos orateurs? Je ne puis vous produire que le célèbre Quandt,b de Königsberg, qui possédait le rare et l'unique talent de rendre sa langue harmonieuse; et je dois ajouter, à notre honte, que son mérite n'a été ni reconnu ni célébré. Comment peut-on prétendre que les hommes fassent des efforts pour se perfectionner dans leur genre, si la réputation n'est pas leur récompense? J'ajouterai à ces messieurs que je viens de nommer, un anonyme dont j'ai vu les vers non rimés;c leur cadence et leur harmonie résultait d'un mélange de dactyles et de spondées; ils étaient remplis de sens, et mon oreille a été flattée agréablement par des sons sonores dont je n'aurais pas cru notre langue susceptible. J'ose présumer que ce genre de versification est
a Voyez t. I, p. 264.
b Jean-Jacques Quandt, surintendant général à Königsberg, où Frédéric prit plaisir à l'entendre prêcher en 1739 et l'année suivante. Vingt ans après, le Roi parlait encore avec enthousiasme de son talent oratoire. Voyez Friedrichs des Grossen Jugend und Thronbesteigung. Eine Jubelschrift, par J.-D.-E. Preuss. Berlin, 1840, p. 218.
c Les vers que le Roi loue ici (Die Mädcheninsel, eine Elegie) sont de Jean-Nicolas Götz, né à Worms en 1721, pasteur à Winterbourg dans le comté de Sponheim, mort le 4 novembre 1781. Ce poëte n'était alors connu que sous le nom de l'Anonyme. Son élégie parut pour la première fois dans l'Anthologie der Deutschen. Herausgegeben von Christian Heinrich Schmid. Leipzig, 1772, in-8, t. III, p. 297-304. M. de Knebel en fit faire pour ses amis une édition spéciale, dont un exemplaire parvint au roi de Prusse. Voyez Adrastea. Herausgegeben von J. G. von Herder. Leipzig, 1803, t. V, p. 262 et 263.